mardi 17 février 2009

Le Dico-thon (2) : mâche-laurier

Il est des expressions délicieusement teintées de lyrisme, et le terme de mâche-laurier en fait partie, à double titre.

Le mâche-laurier, c'est un poète, un trouvère, un rimailleur, un jongleur de mots.

On ne peut alors s'empêcher de penser au barde qui déclamait ses vers à qui voulait les entendre, à l'ombre d'un saule compréhensif.

La symbolique des lauriers trouve son origine dans une histoire d'amour, et oui, encore une.

C'est Ovide qui nous la raconte dans Les Métamorphoses.


Apollon/Phœbus était le père d'un petit être blondinet et angélique, le charmant Eros/Cupidon, dont la mère n'était autre que Aphrodite/Venus. Une famille de beaux gosses en somme.


Apollon était ce que l'on pouvait appeler un coureur, mais paradoxalement assez malheureux en amour, tombant le plus souvent sous le charme de simples nymphes ou mortelles qui n'étaient pas dignes de son rang, accordant autant ses faveurs aux hommes qu'aux femmes et à l'origine d'une descendance considérable.

Un jour, Apollon traita avec mépris Eros.
Ce dernier, contrarié, décida de se venger.
Il tira de son arc deux flèches. L'une de plomb, faisait fuir l'amour. L'autre d'or, le faisait naître. Eros pointa la première sur la nymphe Daphné, fille de Pénée et blessa au cœur Apollon avec la deuxième.

Apollon tomba immédiatement amoureux de la belle Daphné qui s'enfuit dans les bois.

Poursuivie par Apollon, effrayée, celle-ci appela son père au secours, lui demandant la permission de jouir d'une virginité éternelle (elle avait dû trop écouter les Jonas Brothers). Mais elle était trop belle pour échapper à l'amour d'Apollon, et requit donc de son père qu'il lui ôtât cette beauté qui lui pesait tant. À ces mots, elle s'enracina dans le sol, une écorce l'enveloppa et des feuilles jaillirent. Elle était devenue laurier.

Apollon, éploré, décida que l'arbre serait désormais sien, et que ses feuilles montées en couronne deviendraient la récompense des vainqueurs.

Quant à la Pythie de Delphes (l'oracle ultra tendance à l'époque greco-romaine que l'on venait consulter sur les sujets les plus divers, et qui s'exprimait en des termes sibyllins, du nom de la prophétesse Sibylle à laquelle la Pythie succédait), elle mâchait régulièrement des branches de laurier, et quelque chose me fait dire que ce n'était pas les seules plantes vertes qu'elle utilisait compte tenu de l'état de transe dans lequel elle se plongeait avant chaque prophétie.

Ceux qui obtenaient une réponse favorable repartaient ensuite avec une couronne de lauriers sur la tête.

L'usage fut ensuite de couronner de lauriers les poètes et les vainqueurs, d'où les deux sens de mâche-laurier, qui peut autant désigner le poète que, de façon plus ironique, celui qui recherche les récompenses.

Aujourd'hui encore, le terme de "baccalauréat" est directement issu des lauriers, bacca laurea signifiant les baies de lauriers que l'on trouvait sur les couronnes des jeunes diplômés.

Je vous avoue que quand petite, je partais chercher quelques branches de laurier dans le jardin pour aromatiser le plat du jour, je n'avais pas conscience de toute cette symbolique.

On pourrait imaginer ainsi mille expressions composées :

Être mime-pivoine, pour les timides,
Être myoso-rêveur, pour les fleurs bleues.
Être graille-pissenlit, pour ceux qui ont des tendances suicidaires.

Hum, je crois qu'il faudrait que j'arrête de jouer les pousse-fleurette à venir de nulle-part, et quand on ne s'y attend pas, raconter tout et n'importe quoi.

4 commentaires:

  1. Genial. Te lire est toujours un vrai regal !! C'est fin, c'est drole, parfait !

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  2. Merciiii
    J'adore l'idée d'avoir des lecteurs outre-Atlantique, c'est le début de ma conquête du Monde (hahahahaha (rire de méchant)).

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  3. Bon, j'espère que tu es contente aussi d'avoir des lecteurs parisiens (je sais, c'est moins exotique !). Je trouve ta note super intéressante !

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