dimanche 13 septembre 2009

Write me a song about mud, music and me, write me a song about this Glastonbury





Il est un festival où j'aimerais un jour traîner mes bottes.

Un festival qui sent bon les combats de boue, la gadoue et la terre jusqu'aux genoux.

Un festival qui sent bon la bière, la galère et les couchages sommaires.




Il naquit sous le nom de Pilton Festival un jour d'octobre 1970, dans la tête d'un fermier, Michael Eavis, au lendemain de la disparition de ce guitariste qui mettait le feu à ses guitares comme il avait mis le feu à Woodstock, .

L'entrée coûtait alors £1, et incluait l'accès au lait fermier à volonté.


Le festival se situait dans un mouvement de festivals gratuits, dont le plus connu en Grande Bretagne reste celui de l'Ile de Wight (mais si, la chanson "Wight is Wight" de Michel Delpech, ça vient de là, Dylan is Dylan, et viva Donovan!), qui rassembla en 1970 plus de monde que Woodstock, et accueillit, en vrac, The Who, Hendrix - dont ce fut, avec Woodstock, une des dernières apparitions, The Doors, The Moody Blues, Donovan donc, Leonard Cohen, Ten Years After et tant d'autres.

Vous n'avez rien prévu mi-juin 2010? Allez faire un tour au festival, Thom Yorke et ses amis y seront.


Revenons-en à Glasto.


En 1971, les festivités adoptèrent leur nom définitif : Glastonbury Festival, et se logèrent au solstice d'été.

Dans la lignée de son cousin de San Francisco, un film avait été dédié au Glastonbury Fair, ouvert à toutes formes d'expression de l'art. Il pouvait déjà se vanter de tête d'affiche telles que David Bowie ou Joan Baez.

Cette année vit la construction de la première Pyramid stage, à l'époque simple échafaudage, devenue la scène principale du festival.





L'année de 1978 vit un festival off se créer de lui même, alors qu'aucun événement officiel n'avait été programmé. Un groupe de voyageurs qui passait par là, aux hasards de leurs errances en provenance de Stonehenge, pensait trouver un nourriture spirituelle.

Un câble relié à une caravane suffit à créer un ersatz de festival.


Glastonbury, situé sur l'île d'Avalon, c'est une terre foulée de mythes et autres légendes.

Joseph d'Arimathie y aurait emmené Jésus encore adolescent, et y aurait ramené le Saint Graal.


Saint Graal qui aurait amené sur ses terres le Roi Arthur, prétenduement enterré sous l'abbaye, avec la Reine Guenièvre.

Légende savamment entretenue par les moines de l'abbaye, pour des raisons évidemment commerciales.



Facts and figures :


Pour la première édition, Michael Eavis construisit les toilettes lui-même.


Lily Allen, avait à peine cinq semaines la première fois qu'elle assista à un concert à Glasto.

Et à peine 8 ans, quand son père l'utilisa pour vendre du nitrite d'amyle (plus connu sous le nom de poppers) au festival.

"I was a cute baby, which brought in a few customers, I suppose", dit-elle plus tard.


Le groupe qui recueillit le public le plus important? Vous pensez à Oasis? Radiohead?

Non, ce fut les Levellers, en 1994.


En 1981, un procès pour meurtre fut suspendu, après que l'un des jurés ait été autorisé à se rendre au festival.


1987 fut l'année des voleurs de pantalons : des centaines de pantalons avaient été dérobés dans les tentes, afin d'en vider les poches, ce qui ne manqua pas de faire sourire Eavis le lendemain matin, quand il vit plusieurs centaines de spectateurs en slip.


En 2003, 400 000 pintes de bière et de cidre ont été vendus aux festivaliers.


2007 vit la plus grosse affluence de spectateurs : 177 500 billets furent vendus, soit la moitié de la population islandaise.


Michael Eavis fut cité dans le Times parmi les "most influential men", ce qui ne l'impressionna guère : il rappella en effet qu'il avait toujours des vaches à emmener paître.


Eavis tient à ses bovidés. Après qu'une l'un d'entre elle eût trépassé, ayant ingurgité un piquet de tente, il décida que les festivaliers ne pourraient utiliser que des piquets biodégradables.


Vaches, qui donneraient 300 à 400 litres de lait de plus pendant le festival. L'effet rock sans doute.




Le festival s'est régularisé à partir des années 80 - malgré le souhait de Eavis de laisser des intervalles de cinq ans entre chaque festival - pour laisser la terre se remettre de ses émotions. accueillant des performances restées dans les mémoires et les plus grands noms du rock et de la pop :

Jeff Buckley, Mc Cartney, Shirley Bassey, The Cure, Radiohead, feu Oasis, Björk, Bowie, les Arctic Monkeys, The Who, Muse, Franz Ferdinand, REM, Blondie, New Order, Elvis Costello, The Smiths, Bob Dylan, Blur, Joe Cocker, The Libertines...


Vous ne savez pas quoi faire en 2010?

Se murmurent, pour l'affiche de la prochaine édition, les noms de Sting, Radiohead, Muse, Bruce Springsteen, Dolly Parton, Greenday, Duran Duran, Coldplay et encore bien d'autres.


Alors, un conseil, n'oubliez pas vos bottes!







Et plutôt que de me lire, contentez-vous de regarder cette bande-annonce :






mercredi 9 septembre 2009

Aline in disguise with diamonds




Une fine cigarette entre les doigts, Aline regardait cette rue silencieuse, cette rue blottie dans ce quartier calme de Paris. Elle savait que cela faisait des années qu'elle aurait dû arrêter de fumer, mais une fois de temps en temps, elle avait besoin de ces petites minutes d'inconscience, pendant lesquelles elle pouvait fumer comme elle fumait à ses vingt ans, sans penser aux conséquences, sans voir dans l'âtre minuscule qui se profilait devant ses yeux ce slogan de mort qui s'affichait sur les paquets d'aujourd'hui.


Elle s'ennuyait de cette soirée qui n'en finissait pas. Arnaud, son grand dadet de fils venait de partir, et Anouk n'arriverait qu'après-demain avec ses filles.

Elle décida d'aller errer dans le grenier, pendant qu'Arthur lisait tranquillement dans la bibliothèque, embarqué par les réalisations de Louis Khan.

Elle se souvint qu'il restait quelques cartons de vinyles qu'elle n'avait pas encore descendus au salon. Dans l'un d'entre eux, y était entreposé un poster soigneusement plié, souvenir d'une jeunesse yéyé emblématique photographiée par Jean-Marie Périer.


Ses doigts galopaient sur la cote des pochettes en carton. De temps à autre elle s'arrêtait sur une, puis la passait, ou la retirait pour mettre le disque de côté.

Sonny and Cher, Procol Harum, les Beatles... Alors qu'elle avait entamé les 45 tours, son index s'arrêta sur une pochette noire et bleue. Y figurait un jeune homme aux cheveux ardescents qui bataillaient au dessus de ses yeux clairs et renfrognés. Elle eut comme un pincement au cœur quand le prénom du chanteur de mots bleus s'imprima sur sa rétine. Il lui rappelait qu'elle, la jeune pigiste politique devenue journaliste et écrivain avait un jour été une idéaliste des sentiments.


Aujourd'hui, il ne restait plus du couple Johnny/Sylvie que quelques clips qui avaient figé leur bonheur juvénile, la Cher des années 60 avait disparu sous des litres de botox, et Phil Spector croupissait en prison. Elle avait néanmoins gardé de ces années cette mèche qui la rendait presque inaccessible, qu'elle balayait négligemment et qui couvrait presque l'intégralité de son front, cette mèche qui avait assorti sa première robe Courrège.


Elle l'avait rencontré au cours d'une soirée chez des amis et l'avait tout de suite remarqué lorsqu'elle s'était avancée dans la foule. Alors qu'elle se présentait à un groupe de personnes avec qui elle avait démarré l'une de ces conversation que l'on hait tenir dès que l'on est un peu fatigué et que l'on ne trouve pas le courage de se socialiser, il s'était rapproché pour la saluer. Une connivence immédiate et étrange s'était alors créée entre eux. Elle se déplaça vers la fenêtre pour aller fumer, il la suivit. La conversation qui s'en suivit lui sembla avoir duré plusieurs heures. Ils se détournaient parfois vers d'autres visages, mais revenaient toujours à cette fenêtre. Alors qu'elle lui proposait une énième cigarette, il lui fit remarquer : "Tu nuis gravement à la santé, tu sais ça?". Elle créait également une forte dépendance, mais elle ne le découvrirait que bien plus tard.


Il portait, avec l'un de ses amis présent ce soir là, cette fraîcheur à la fois triomphante et humble, irrévérencieuse et polie de la jeunesse des années 60. Cette jeunesse qui portait des pantalons bien coupés, des chemises impeccables d'où ressortait une pointe de dandisme en rébellion modérée, et des cheveux qui ne semblaient obéir à aucun ordre que celui d'esprits insouciants.


Poliment, il lui avait demandé ses coordonnées quand elle avait quitté la soirée, tenue par d'autres obligations sociales. Son pouls s'accéléra lorsque leurs joues se frôlèrent.

Pourquoi n'était-elle pas rentrée avec lui ce soir là? Elle ne le savait pas. Peut-être parce qu'il était différent. Peut-être était-ce une erreur. Elle ne le saurait jamais.


Elle se souvînt de ce sourire idiot qui s'était figé sur son visage dans le taxi, les yeux perdus dans les gouttelettes de pluie qui couraient le long de la vitre.

Il avait allumé en elle un de ses feux qu'elle n'avait pas ressenti depuis longtemps, et qu'elle avait rarement connu aussi vif pour une première rencontre.


Quelques jours plus tard, il ne l'avait pas rappelée.

Elle avait attendu un peu, puis n'y tenant plus, s'était dit que ces codes étaient dépassés. Qu'il était peut-être timide.

Alors elle prit les devants.

Ils échangèrent quelques propos, mais il ne se décidait toujours pas. Finalement elle lui proposa de se voir un soir, alors même qu'il s'apprêtait à le faire. Et, sans se concerter, ils s'accordèrent sur un film de série B un peu décalé. Idéal pour un premier rendez-vous romantique s'était-elle dit. Cela l'avait fait rire, elle n'aimait pas les codes.


Le soir venu, ils se retrouvèrent place Saint-Michel pour se retrouver autour d'une table avant de rejoindre un petit cinéma d'art et d'essai.

Une soirée simple. Une soirée parfaite. Quand il se quittèrent sur le quai, elle le regarda en silence pendant quelques secondes, ces quelques secondes où il aurait dû comprendre qu'il aurait fallu, qu'il fallait l'embrasser. Mais il ne fit rien et, presque gêné, s'engouffra dans la rame.


Un peu déçue, elle se s'était convaincue que c'était une bonne chose, que pour une fois elle s'entichait d'un garçon bien élevé, ce qui n'était pas dans ses habitudes.


Ils s'échangeaient beaucoup de lettres, mais sans que jamais il ne tente une phrase ambiguë, et sans qu'il se montre de nouveau.


Puis, il déclinait les invitations en tête à tête, se faisait absent. La situation était ubuesque, du jour au lendemain, il devenait froid et distant.

Elle sentait la situation lui échapper et le ciel se couvrir.


Un soir, de guerre lasse, elle accepta un dîner avec l'un de ses amis qu'elle n'avait croisé que rapidement. Heureusement pour elle, ils s'entendirent à la perfection, car deux heures plus tard, ils étaient toujours seuls. Il arriva finalement en fin de soirée, qui plus est, accompagné de quelqu'un dont elle se doutait qu'elle était ou avait été autre chose qu'une simple amie. Alors elle joua la carte de la politesse et de la diplomatie, jusqu'à ce que la nouvelle venue se risque à une réflexion voulue innocente et légère. Aline lui répondit violemment, installant quelques minutes d'ère glaciaire autour de la table. Elle se reprit rapidement. Après tout, elle n'avait rien contre cette jeune fille qui se trouvait juste là au mauvais moment, et avec la mauvaise personne.


Une fois encore il s'excusa.

C'était tout ce qu'il savait faire, s'excuser et laisser le vent emporter les rancoeurs.

Il était impossible de lui en vouloir très longtemps.


Puis elle commença à prendre du recul.

Elle voulait se convaincre de son indifférence à son égard, mais elle ne pouvait que s'avouer vaincue face à ce personnage à la séduction insolente et presque involontaire.


Quand elle lui dit qu'elle prendrait ses distances, il lui répondit qu'il s'excusait s'il avait eu un geste déplacé. Elle ne put s'empêcher de penser que décidément, il ne voulait rien comprendre. Que c'était précisément le fait de n'avoir osé aucun geste déplacé à son égard qu'elle lui reprochait.


Alors elle s'éloigna.


Quand ses amis le traitaient de tous les noms, curieusement, elle le défendait comme un enfant qui ne savait pas ce qu'il faisait.

C'était plus fort qu'elle, elle pouvait dîner avec des garçons prévenants, des gendres idéaux qui lui auraient offert la lune, elle ne les regardait pas.


Ils se retrouvèrent dans une soirée, dans le lieu même où ils s'étaient rencontrés.

Mais cette fois ils ne se parlèrent quasiment pas.

Ils repartirent d'un simple au revoir, elle dans un taxi, lui embué dans ses vapeurs éthyliques.



Elle s'était fait une raison, mais restait dans une certaine incompréhension de son inconséquence.

Sans doute avait-il besoin de se trouver.

En peu de temps, le garçon charmant, drôle, prévenant et touchant de maladresse ne lui apparaissait plus que distant, incohérent, auteur de violences involontaires sur son palpitant enamouré.


Elle revînt finalement à la raison et vogua vers d'autres rives.


Une nouvelle opportunité professionnelle emporta soudainement celui qui n'était déjà plus qu'un lointain phantasme à quelques centaines de kilomètres.

Elle profita de ce départ pour le mettre devant un mur de mots. Des mots, c'était tout ce qu'elle avait finalement pu échanger avec lui.

Une fois de plus, elle aurait préféré y poser sa voix, les voir le toucher, mais une fois de plus elle n'aurait qu'une page blanche face à elle.

Elle n'attendait pas de réponse, et elle n'en eut pas, une fois de plus, il se réfugiait dans la nébulosité.

C'est sans doute la seule chose qu'elle lui reprochait au final, cette indolence à ses mots.


Mais c'était aussi la raison pour laquelle il l'avait, pendant quelques temps, tant inspiré, plus que certains garçons qui l'avaient à l'époque courtisée.

Parce qu'après cette soirée, il ne fut plus qu'une chimère de ce qu'il avait été le tout premier soir.


Elle descendit la pile de vinyles.

En passant devant la bibliothèque, elle vit Arthur, assoupi, et sourit.

Elle était à sa place ici.


Elle éteignit la télévision restée allumée sur un reportage relatant la mort de Ted Kennedy.

C'était la fin d'une époque.


Françoise Hardy avait ainsi déclaré voir s'envoler sa jeunesse, le jour ou Lucien Ginsburg était parti avec les vents mauvais.


Après avoir rangé ces fragments de vie musicaux, elle s'assit à son bureau et reprit l'écriture de son dernier ouvrage au son de Pet Sounds.


Elle y inclut quelques mots bleus, quelques mots que peut-être, une chimère douce-amère aux cheveux d'argent mais au regard d'un ciel de printemps frôlerait d'un sourire gêné, quelque part à l'autre bout de la France.