jeudi 5 février 2009

Francis Lalanne et les ronds de cuir




Jeudi soir, je devais voir Francis Lalanne, et n'ayant pu m'y rendre, j'en ai été fort marrie.
Quoi, cela vous étonne quelqu'un qui spontanément, comme ça, sans que sa vie en dépende, sans pistolet sur la tempe, ait envie d'aller prêter ses esgourdes à ce troubadour des temps modernes?

Il s'agissait en fait d'une Berryer, que je décoderai en quelques mots, pour les êtres sains qui se tiendraient éloignés des rites occultes de l'île de la Cité.

Le principe de cette conférence mettant en scène des avocats et un invité bon client : une foire à la détraction, que celle-ci soit dirigée à l'encontre de l'invité ou des candidats.
"Il y a deux types de gens en Berryer. Les masochistes compulsifs à tendance suicidaire, et les gens mal renseignés."

Mais la Berryer n'est pas le sujet de ce jour.

Francis Lalanne.
Rien que le fait d'évoquer son nom fait sourire, moi la première.
C'est un personnage, une icône malgré lui.

Pourtant je ne peux m'empêcher de le trouver profondément touchant. Parce qu'il a encore ce regard d'enfant. Parce que l'on se moque de lui comme on l'aurait fait dans une cour de récréation.
Parce qu'il est décalé, innocent, inoffensif.

Alors oui, je serais bien venue le voir s'élever tel un jouvenceau romantique contre les conventions.

"Comme le pommier il fait des pommes", Francis, il fait des chansons.

Et il fustige les ronds de cuir.
Mais que sont les ronds de cuir?
L'expression fait référence aux coussins de cuir rond, dont se servaient les employés de bureau pour asseoir leur paperassier séant.
Par décence, je ne développerai pas ici ce que ce genre de coussins était sensé prévenir pour ces pauvres salariés sédentaires.


Il avait emprunté l'expression à Courteline.

Courteline, qui rappelait qu'il n'y avait pas de genres inférieurs, mais que des productions ratées, tandis que Gainsbourg considérait que la chanson était un "art mineur destiné aux mineures", art mineur néanmoins revendiqué par Nougaro, artiste mineur de fond par excellence.

Certes, notre Francis Lalanne n'a pas apporté les rimes les plus riches qu'il soit à la chanson française.


"Le mal qu'on se dit
L'amour maladie
Les grains de frimas
Que l'on sème
Les portes qui claquent
Et j'en ai ma claque
C'est du cinema
Quand on s'aime
Fais-moi l'amour
Fais-moi l'amour
Fais-moi l'amour
Pas la guerre"
.

Francis il est comme ça, il n'est que paix et amour toujours prêt à jouer à la foire des herbes aromatiques de Houe-Deux-Stoques.

"
J'sais pas ce qui m'arrive ce soir
T'es là et j'ai peur dans le noir
Comme ces nuits où tu es pas là
Où je suis seul sans toi
Tu sais être seul c'est la mort
C'est comme un cancer qui te mord
Tu te sens mourir chaque instant
Sans pouvoir dormir pour autant"


Bon Francis est un peu dark aussi parfois, mais c'est le revers de la médaille du romantique, qui est fasciné par une certaine morbidité sublimée.


Mais, si, cette Mort qui nous programme sur son grand ordinateur (au passage, un soir de fin de semaine où vous ne savez comment occuper votre temps, aller voir La Mort en échecs*, vous vous réconcilierez définitivement avec la Faucheuse).

*Allez-y, c'est La Mort quand même! -
Il était une fois Caroline Anglade, dans le rôle de la jolie blonde pleine de peps, en froid avec Franck Jouret alias son bêcheur de mari. Il ne voulaient plus du tout vivre heureux et en aucun cas avoir d'enfant, chien ou 4x4. Il était une fois La Mort (prénom : La , nom : Mort), jouée par un certain Florent Chesné vrai showman déjanté et électrique. Il était une fois une étrange soirée orageuse, qui va mettre sur la route d'un couple à la dérive une Mort complètement allumée. Foncez, et vos abdos vous remercieront de cette séance de rire non-stop!


Et ce clip, avec cet enfant qui court, sur la plage, au ralenti.
Et Alain Delon qui court, sur la plage, au ralenti.
Et Jean-Louis Trintignant qui court,... ha non pardon je me trompe de film là.
Et ces effets spéciaux, qui doivent faire se retourner Méliès dans sa tombe.


Francis, il fait partie de ces incompris.
Parce qu'on s'arrête trop vite à ses cuissardes et à sa longue chevelure brune digne d'un Madmartigan plus inoffensif que vindicatif.

Et malgré son côté pourfendeur de bénins anathèmes, on veut le croire, lui et ses pots de chrysanthèmes.

A cause de sa pureté, de sa fraîcheur.
Quelque part, c'est rassurant de voir qu'il existe des petites bulles d'innocence qui ne bougent pas, après toutes ces années. Francis, il devrait être remboursé par la Sécu.

Et puis, en tant que juriste, j'aime bien quand Francis m'explique que le droit de résister à l'oppression selon la Déclaration des Droits de l'Homme légitime le droit pour José Bové de piétiner de transgéniques plantations de granidés jaunes. A côté des cours de droit public de Francis Lalanne, René Chapus c'est un peu de l'urine de Raminagrobis. Parce qu'il est comme ça Francis, il croit à l'anarchie.
On se voit bien refaire le monde avec lui, sur une plage, autour du feu, avec une cithare, ou avec une lyre dans une prairie.

Et puis, il a dit un jour : "Séduire, c'est s'exposer à décevoir".
Et le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il n'essaie pas de s'auto-formater pour nous amadouer. Il est dehors des clous, et on n'en attend pas moins de lui. Du coup on n'est jamais déçu.

Courteline se plaisait à dire que "Passer pour un idiot aux yeux d'un imbécile est une volupté de fin gourmet.".

Je connais un barde aux allures de page qui doit se délecter.

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