dimanche 28 juin 2009

Laissez parler les petits papiers

Un dimanche soir, dans le train qui me ramène à Paris.

Décidément le train m'inspire et me donne envie d'écrire. 


Je n'ai pas encore réussi à donner un vrai sens à ce blog, et je vais faire sans doute un peu ici du méta-billet, du billet sur le billet. 

Il y a quelques mois, quand Nerval m'avait conseillé de commencer un blog, je lui avais objecté que je ne trouverais rien à raconter. Je n'avais pas l'intention de faire un blog sur ma vie, et je n'avais pas de hobbie à faire partager (philatélie, macramé ou taxidermie). Il n'avait pourtant aucun doute sur le fait que je trouverais toujours quelque chose pour m'inspirer.


Force est de constater qu'il n'avait pas tort. J'aime l'anecdotique, car au fond, rien ne l'est vraiment. 

Quelque part, il m'est beaucoup plus facile de laisser courir mon clavier à l'égard de silhouettes croisées une fois et pour lesquelles je peux me permettre d'imaginer une vie, qu'à l'égard de ceux qui m'ont touché, me touchent ou me toucheront plus que l'espace de quelques secondes. 


Ici on ne trouvera que rarement évoqués, et de façon sibylline, ces amis sans nouvelles de qui je ne peux passer une semaine.

On trouvera plus volontiers ces relations que je connais que mal, ces visages qui vous entourent mais ne comptent pas vraiment.

Ici on ne trouvera pas ces ours bourrus, ces vrais-faux artistes et ces esprits décalés qui ont pu troubler mon esprit et mon palpitant.

On trouvera plutôt ces échanges de regards suburbains, qui, le temps d'un sourire qui vous répond mais que vous ne reverrez jamais, donnent du relief à votre journée, ou encore ces tentatives d'approches ridicules, qui, quand vous y repensez, valent de s'y attarder quelques lignes.


Pendant quelques années, vous pensez que vous êtes un peu bizarre.

Vous êtes la fille un peu timide, mais qui a toujours une imagination débordante.

Vous vous dites qu'effectivement, vous avez peut-être une sensibilité aux choses un peu différente des autres, mais que cela ne doit pas être bien grave.


Et puis un jour, parce que cela vous a toujours un peu attiré, vous vous inscrivez à un atelier de théâtre. 

Là-bas, il y a plein de gens aussi bizarroïdes que vous.

Vous vous découvrez capable de choses que vous n'auriez jamais imaginées faire.

Simuler un orgasme façon doublage de mauvais porno avec l'un des participants du groupe. Assumer un surnom à vos yeux extrêmement péjoratif devant deux cent personnes.  


Vous délaissez le théâtre pendant quelques temps, puis, intégrez un nouveau cursus dans une autre ville.

Probablement ne vous doutiez-vous pas qu'au cours de ces deux années, vous développeriez autant votre sensibilité artistique que votre capacité à faire des cafés et des photocopies pour vos maître de stages.


Vous n'y tenez plus et réintégrez un nouveau cours de théâtre. 


Et de ce jour, les rencontres s'enchaîneront.

Votre professeur tout d'abord. Légèrement égocentrique et désorganisé sur les bords, à l'opposé de l'intervenant qui vous dirigeait deux ans plus tôt, structuré et académique. Il vous donne néanmoins des clés indispensables et croit en votre potentiel.


Puis Nerval le grand, cité un peu plus haut. 

Chroniqueur, auteur, dessinateur, photographe, ce garçon vous épate par sa créativité protéiforme et sa capacité à structurer instantanément une histoire d'un point de vue dramaturgique. Très vite, vous trouvez votre alter ego d'écriture, mué par les mêmes doutes et le même ton décalé. Vous découvrez les premières séances d'écriture à quatre mains. Vous affrontez vos mots, ceux qui devront faire réagir le même public. 


L'aventure théâtreuse se termine et vous cherchez de quoi vous rétablir. 


Légèrement à votre insu, une amie parle de vous à son compagnon guitariste.

Quelques mois plus tard, vous voilà embarquée dans des répétitions à quatre voix et seize cordes. 


Tout ça parce qu'un beau jour, une première personne vous a pris au sérieux.

Et, qu'en conséquence, vous avez commencé à travailler plus sérieusement.

L'appétit vient en mangeant, l'inspiration en créant.


A force de vous éparpiller, vous avez l'impression de tout faire en médiocrité, mais c'est plus fort que vous, vous n'arrivez pas à choisir.

Pléthore de projets naissent et ne voient pas le jour. Cette pièce, en co-écriture avec l'un de vos amis dont vous admirez la plume noire et acide. Ce roman, qui traîne sur votre laptop depuis des mois et des mois, mais pour lequel vous peinez à consacrer des soirs. Ces répétitions qui manquent de régularité tant il est difficile de composer avec quatre emplois du temps surchargés. Ce rôle qu'on vous propose, mais que vous vous voyez obligé de décliner, car quatre soirs par semaine sachant que vous êtes déjà débordée, c'est un peu compliqué à gérer.


Et puis vous passez des semaines comme celles-ci.

Lundi, vous faites la rencontre d'un nouveau comparse d'écriture précaire.

Vous vous êtes retrouvés un peu par hasard en tête à tête : deux heures, une bière, quatre brochettes et deux sakés plus tard, vous vous êtes trouvés énormément de points communs. Cela faisait longtemps que vous n'aviez pu discuter avec un écrivaillon à mi-temps, qui peine autant que vous à donner corps à ses projets entre deux métro-boulot-dodo. Ca ressemble un peu à une réunion de blogueurs anonymes. Vous vous retrouvez dans l'addiction aux mots, aux idées, aux personnages, aux détails qui accrochent votre regard et votre plume.

Vous lui enviez son idée de blog, qui confronte billets masculins et féminins sur un même thème.

Mieux, le jeune auteur vient de boucler un long métrage. Admirative, vous êtes rassurée de constater que l'on peut trouver le temps de travailler, et de donner vie à des projets, ce qui vous fait prendre de bonnes résolutions d'écriture une fois la porte de votre appartement passée. Le lendemain, vous allez voir une représentation dont le thème ne vous plaît que moyennement. Cependant, elle vous rappelle à ce que vous ne voulez pas faire : du comique autocentré et des reprises musicales qui pour beaucoup vous obligent à faire abstraction des interprètes pour n'écouter que le groupe qui joue derrière. Le soir d'après, vous écoutez ce comédien qui, en une réplique banale, fait rire une salle entière. Vous terminez votre semaine sur la nouvelle pièce d'un de vos amis et passez une partie de la soirée à écouter le metteur en scène le reprendre sur ses placements, son rythme et sa diction. 


Parfois je réalise à côté de quoi je serais passée, si un jour on ne m'avait pas prise au sérieux.

Probablement, comme le disait C. dans son dernier billet, à côté d'une bonne thérapie, et pour le paraphraser, voilà un billet parfaitement inutile, mais qui fait du bien.




Complicated


"Tu veux sortir avec ma copine Justine?".

Dix minutes. Dix longues minutes.
En dix minutes, vous êtes passée de l'état d'euphorie béate à celui de désespérance la plus totale.
Il y a dix minutes, c'était encore un garçon absolument génial et bourré de charme. Maintenant ce n'est plus qu'un stupide petit margoulin qui ne se souvient pas de vous et qui ne prend même pas la peine, par simple politesse, de répondre à votre message. Las! vous vous demandez si vous ne disposez pas finalement d'un charme éthylique, si vous n'appartenez pas à ces filles que l'on drague en soirée et que l'on oublie aussi vite. Vibreur. En trois secondes, le jeune éphèbe est revenu dans vos grâces. La phase de séduction tend à nous rendre rapidement cyclothymique. Vous n'en aviez pas douté très longtemps, vous n'êtes pas le genre de fille qu'on oublie et qu'on ne rappelle jamais. S'en suivent en général de longues minutes de commentaire analytique en conf call avec votre meilleure amie. Le "à bientôt' était-il synonyme de "à très vite j'espère" ou de "tu es gentille, je te réponds par politesse mais maintenant tu me lâches la grappe"?

Le lendemain, votre meilleur ami tente de vous convaincre que vous vous posez trop de questions, que vous verrez bien ce qu'il adviendra de votre rencard à venir. Que vraiment, les filles, vous êtes trop compliquées, que les mecs sont beaucoup plus binaires. Là-dessus vous lui répondez que la gent masculine est tout autant sibylline et que vous ne parvenez pas à tout comprendre. La binarité masculine est un mythe, tout autant que la complexité féminine. Je ne peux pas complètement m'en plaindre, si les garçons n'étaient pas un tantinet compliqués, je n'aurais rapidement plus rien à écrire.

Adam a toujours été aussi nébuleux qu'Eve, Romeo aussi tourmenté que Juliette, Oui-oui aussi casse-bonbons que Dora l'exploratrice.
Sans difficulté, plus d'inspiration, plus de personnalité à sonder, plus de jeu, plus de questionnements infinis.
La simplicité, c'est assommant.
Rassurant un temps, mais néanmoins un peu fade.
L'alternance du chaud et du froid est excitante, l'obscurité crée le questionnement, le tâtonnement, et l'erreur de routage parfois.

Pourtant, les choses sont souvent beaucoup plus simples qu'il n'y paraît.
La complexité est néanmoins souvent un argument que l'on lève en drapeau blanc pour justifier que l'on n'est pas capable d'assurer.
Un soir, j'étais allée voir "He's just not that into you", m'attendant à découvrir une bonne comédie cyanoflore légèrement niaiseuse. Je ne vous mentirai pas, c'était globalement le cas (mais j'assume mon goût occasionnel pour les niaiseries mélancolico-sucrées). On y suit notamment la quête du grand amour (oui, l'auteur a pris des risques avec un sujet sensible et peu traité) par une jeune célibataire pleine de charme mais légèrement naïve. Rentrant de l'un de ses rendez-vous, elle appelle sa meilleure amie ravie de sa nouvelle rencontre, et de la promesse faite par son chevalier servant d'être rappelée. Trois jours plus tard elle est encore dans l'expectative de l'appel. Nous sommes aux USA, et si vous êtes spectateur régulier de ce genre de films, vous n'êtes pas sans ignorer qu'on pourrait rédiger un code du date tant les relations sentimentales semblent paramétrées : attendre trois jours avant de rappeler l'autre, ne pas monter chez lui avant le troisième soir etc. Il ne la rappelle pas. S'en suit une suite d'interrogations : peut-être est-il à l'étranger, peut-être lui est-il arrivé quelque chose de grave, peut-être attend-il que je le rappelle car il est trop timide. Alors que sa meilleure amie la rassure par un "of coooourse, he's totally gonna call", son nouvel ami la ramène rapidement à la réalité : "He didn't call. He doesn't want to see you". Et là, votre vécu revient au galop. Vous repensez à ces fois où vous avez tant attendu une démarche de l'objet de votre convoitise qui ne venait pas. Il ne voulait pas vous voir, c'était aussi simple que cela. Oubliez l'excuse de la sortie de relation douloureuse, de son emploi du temps débordé, des autres priorités qu'il a actuellement dans sa vie, de sa potentielle timidité. Il n'était pas timide quand il vous a demandé votre numéro. Vous lui plaisiez le temps de quelques minutes, quelques heures, une soirée mais après réflexion, vous ne lui plaisez plus tant que ça finalement, fin de l'histoire, next please. Pas forcément de quoi en faire une analyse introspective comportementale autoflagellante sur le mode "mais qu'est-ce que j'ai fait? j'étais super mignonne pourtant ce soir là, et spirituelle, et réceptive, et...". Personne ne doute du fait que vous êtes une fille formidable, et c'est peut-être lui aussi un garçon formidable (bien qu'il deviendra, en cas d'inertie téléphonique, un réel "connard qui ne sait pas ce qu'il loupe"), mais ça ne le fait pas, that's it, l'excuse du garçon compliqué ne vient que conforter votre ego blessé. Les choses sont très simples finalement.

Debrief date avec un de mes amis. Il conclut le récit de sa soirée par un "ouais mais tu vois, cette nana, elle est compliquée". Je traduis "j'ai dormi sur la béquille". Elle est compliquée veut alors souvent dire "elle ne veut pas ce que je veux". Elle veut une relation stable, il veut un one-night stand. Elle veut rester indépendante, il veut la voir tous les week-end et lui faire rencontrer ses parents.

Il n'y a pas très longtemps, je revois cet ami. Cette fois, je viens pour qu'il me fasse un débrief de son week-end avec cette belle brune avec qui il travaille. Ils se sont promenés, ont fait des restos. Je ne peux m'empêcher de ponctuer son récit par un "Et?..." - "Et quoi?" - "Vous n'avez fait que vous promener?" - "Bah oui, normal quoi" - "Non R., ce n'est pas normal, que moi je passe une journée avec un mec sans rien tenter, oui c'est normal, mais là on parle de toi qui passe un week-end avec une fille que tu me décris comme un canon à neurones, ce sans même essayer de la toucher. Soit elle était munie d'un bouclier électromagnétique, soit tu es complètement troublé". D'un seul coup les filles n'étaient plus si compliquées.

"Alors, tu en es où avec ce mec?" - "Pfff c'est compliqué..."
La réplique est sans doute celle qui a le plus de succès, autant auprès des filles que des garçons, avec le fameux "je ne te mérite pas".
Elle n'est souvent finalement érigée qu'en miroir de notre propre versatilité sentimentale.
L'autre jour, une de mes amies a mis le doigt sur un des plans drague les plus usés de tous les temps, que j'avais utilisé à mon insu :
"-Tu lui as dit quoi exactement?
- Qu'il était plus complexe que ce qu'il laissait paraître...
- Oh mon Dieu mais c'est naze!
- Ben pourquoi, j'étais sincère!
- Laisse-moi deviner, après tu lui as dit qu'il était mystérieux?
- Pas du tout, j'ai dit qu'il était heu... insaisissable? je ne sais plus...
- ... et que pour mieux le saisir il faudrait que vous vous voyez, parce que tu n'as pas envie d'en parler par mail...
- heu dans l'idée oui c'était un peu ça... oh punaise tu as raison, c'est complètement naze!"
Plus jamais je ne dirai à quelqu'un chez qui l'ambiguïté n'a pas été levée qu'il est complexe. C'est pourri.


Tout est une question de vocabulaire, dites de quelqu'un qu'il est complexe, c'est flatteur, il en ressort un côté mystérieux, insatisfait, éventuellement torturé, à la personnalité kaléïdoscopique.
Dites qu'il est compliqué, on comprendra qu'il est chiant.

Gardons intact ce mythe de la complexité amoureuse.
Sans elle, plus de debrief date qui s'éternisent - les filles semblant parfois préférer dans les rencards, non le rendez-vous lui-même, mais la discussion interminable qui s'en suivra avec leurs amies.
Sans elle, plus d'inspiration.
Oui à une complexité raisonnable!
En cas de complexité pathologique, sauf à être masochiste, partez.
Oui, nous sommes basiquement complexes et nébuleusement binaires, mais quelque part, a-t-on vraiment envie de revenir à cette façon de faire qui était tellement simple et d'une cruelle efficacité :

"Salut, tu veux sortir avec ma copine Justine?"
"Bon ben je lui ai demandé il veut pas".

L'affaire était classée en cinq minutes chrono et ce billet n'aurait pas lieu d'être.

I hurt myself today, to see if I still feel.







"Mesdames, messieurs. En raison d'un incident grave de voyageur, le traffic est interrompu sur la ligne 6".

8H00. Un suicidé de plus dans Paris. Un vrai phénomène. Et toujours en tout début de journée.

La logique m'en échappe. On ne quitte pas ce monde un matin avant d'aller travailler que diable!

C'est quelque chose qui se conçoit bien mieux le soir, quand, après une durée journée passée à se faire reprendre par un patron acariâtre, il ne vous reste plus qu'à rentrer chez vous écœuré et étouffé par le poids de la solitude.

Mais à 8H00. Qui peut donc avoir idée de se supprimer après un café, deux biscottes et un brossage de dents?

J'écarte de ces considérations les suicidés qui ne se sont par couchés, et ont décidé de finir leur soirée vers 7H du matin par une soudaine envie de tester la résistance des rails métropolitains.


A cette heure-ci, l'individu en question ne pouvait qu'avoir la volonté de perturber un maximum de gens, pour un maximum de temps. Au-delà de la trilogie durkheimienne et de ses suicides altruiste, égoïste ou anomique, les transports urbains seraient le lieu privilégié du suicide antisocial : tu perds ton sang-froid un matin, et saute à pieds joints dans l'autolyse ferroviaire en lançant, dans la même foulée, un gros F**K à la société.


Sauf qu'à chaque auto-sabordage de ce genre, c'est toute une partie de la population parisienne qui se retrouve réduite au retard matinal. Non que je n'ai aucune tolérance pour ce genre d'action, au contraire, quelque part je trouve ça assez punk, mais quand cela manque de me faire louper mon train ou un rendez-vous important, j'admets être moyennement conciliante.


Et puis, à chaque fois, ce sont des employés qui arrivent en retard sur leur lieu de travail, et qui donc sont potentiellement susceptibles d'accumuler un comportement fautif qui potentiellement pourrait justifier un licenciement ce qui potentiellement amènerait lesdits employés à la dépression et donc potentiellement à se jeter sur les rails d'un métropolitain ou d'un RER à 8H00 du matin, entraînant potentiellement de nouveaux retard etc etc. Ce pourrait devenir un phénomène à progression géométrique. Ce qui, cela étant, libérerait des postes en période de crise. Paradoxalement, le suicide antisocial pourrait peut-être devenir le dernier moyen d'expression qui subsiste, après tweeter.


Cela étant, pour le moment, vous ne m'en voudrez pas de m'en tenir, pour m'exprimer, à mon clavier.
Me prendre une rame de métro dans la figure me ruinerait tout mon brushing.

mardi 16 juin 2009

Kill me baby one more time

"Bip, bip, bip, bip, biiiiiiiiiiip..."


Sandrine avait un peu la tête ailleurs.

D'un seul coup l'alarme du congélateur la sortit de la viduité de ses pensées.

Quand elle arriva dans le sellier, un flaque d'eau s'épandait jusqu'à la porte.

Elle avait dû laisser la pièce en l'état depuis plusieurs heures déjà.


Elle s'était levée tôt, avait fait le ménage puis était partie faire quelques courses pour préparer le déjeuner.

Elle n'aimait pas que la maison soit en désordre quand son mari rentrait.


Elle fixa la nappe aqueuse quelques instants, puis, presque de façon automatique, referma la porte de l'appareil et prit une serpillière propre dans le placard pour étancher l'écoulement de l'eau sur le sol.


On efface tout et on recommence.


Elle avait 17 ans. Anthony l'avait ramenée du bal disco de Bigneux-en-Mousse dans sa R19.

Lui et ses comparses avaient inventé un nouveau jeu dont elle ne comprenait pas très bien les règles. Ca se jouait à plusieurs.

Veleda qu'ils l'avaient surnommée.

On efface tout et on recommence.


Quand son beau-père avait appris qu'elle était enceinte, il lui avait rétorqué qu'elle aurait mieux fait de trouver quelqu'un pour l'engraisser plutôt que pour l'engrosser.

Il l'avait convaincue de ne pas le garder. Que la mode était à l'assimilation artificielle.

On garde le tout au frais et quand l'horloge biologique sonne l'heure de passer à la casserole, cinq minutes de micro-ondes et le tour est joué. Ca avait l'air simple. Elle aurait pu récupérer le petit quand elle aurait son premier crédit Cofidis.

Après tout, on n'était plus au Moyen-Âge, grâce aux techniques modernes, plus besoin de donner un coup de couteau de cuisine dans le cordon ombilical en plein milieu des abats de poiscaille. On faisait les choses proprement. Sandrine était très maniaque.


Elle avait trouvé un garçon bien, un manutentionnaire sans histoire, un de ces taiseux qui s'attable le soir devant le journal de 20H, accomplit son devoir conjugal en missionnaire et s'endort en faisant vrombir ses naseaux puissants.


Ils avaient déjà eu trois gamins qui répondaient à des prénoms en trois lettres à la mode.

L'un dans l'autre, elle aurait bien pu récupérer quelques allocs avec un de plus.

Mais elle avait déjà tout donné.

Les cris, les pleurs, les couches, les nuits sans sommeil, l'hyperactivité et lui qui continuait à rentrer en silence, manger en silence, baiser en silence, et dormir dans un brondissement infernal.


C'était celui de trop.

Ou peut-être celle. Elle avait toujours voulu une fille.

Mais il avait dit qu'ils devaient arrêter là. Que trois c'était assez.


Alors elle repensa aux conseils de son père.

Son père avait toujours été de bon conseil. Il parlait peu, mais avait le sens des réalités.


Médicalement, elle ne pouvait pas prétendre à un déni.

Elle était parfaitement consciente de ce qui se passait en elle. Elle oubliait, de temps à autre.

Mais elle ne parvenait pas arrêter les choses avant qu'il ne soit trop tard.

Rien ne devait se savoir.


Quand les premières contractions sont arrivées, elle espérait que cela se passe sans difficulté, comme les fois précédentes.

Elle n'avait pas peur, elle savait ce qu'elle devait faire.


Le carrelage froid de la cuisine, la confusion, puis l'automatisme des gestes, comme si elle avait été guidée par une conscience invisible, qui la soustrayait à tout instinct maternel qui aurait pu l'envahir.

Elle s'était souvenue de cette fois où son grand-père avait ôté de sa vision la portée de chatons minuscules et vulnérables qu'ils ne pouvaient garder. Le seau rempli d'eau. La serpillière. Elle n'avait pas pleuré, mais avait été intérieurement traumatisée par la rudesse et l'insensibilité de l'homme et du geste.

Pourtant, elle retrouva cette insensibilité dans ses mains chaudes quand elle approcha la bassine.

Son esprit obnubilé par cette monomanie infanticide, ces quelques interminables secondes qui allaient faire d'elle une infâme qu'elle n'aurait jamais oser soupçonner.

Cette fois-ci il n'y aurait personne pour frapper le séant de sa géniture afin de lui tirer des larmes de vie.


Le sol du sellier était sec à présent.

Elle n'avait pas pleuré, comme elle n'avait pas pleuré quand elle comprit qu'elle ne pourrait jamais voir grandir la portée de félins.

Elle dégorgea dans l'évier, et se laissa glisser le long du mur. Elle resta assise là, silencieuse et dévastée, calme dans sa tempête intérieure, lucide dans son ignominie nauséeuse et plus confuse que jamais.

Rien ne serait plus pareil.


Quand son mari rentra, le déjeuner était prêt.

Tout était en ordre, comme toujours. Un ordre terrible. Un ordre étouffant. Un ordre sordide.

lundi 1 juin 2009

Song for guy





"Il y a  des gens qui, dès la naissance, ont eu moins de cartes en main que les autres, pour qui il était écrit que tout serait plus compliqué. 

Je revois mes parents, face à moi, dans la salle à manger familiale. Le facteur vient de déposer le courrier et repart dans sa R4 jaune à travers la campagne ardéchoise. 
Ma mère a les yeux rivés dans son bol de café. Mon père fume une gitane en m'évitant du regard.

Le carillon de l'horloge sonne de façon accablante, comme pour prononcer mon jugement dernier. 

Mon père lui dit qu'il savait qu'ils auraient des problèmes avec moi, que je n'étais pas vraiment normal.
Ma mère se demande ce qu'elle a pu faire de mal, elle dit qu'elle m'a éduqué comme mes frères et sœurs, que je n'ai manqué de rien. 

Au fond de la pièce, ma grand-mère assise sur un vieux crapaud aux couleurs passées par le soleil semble indifférente à la discussion qui a pris cours et me regarde sans aucune forme de soutien. 

Oui, j'étais différent, comme ils disent.

Oui, je voulais tenter Sciences Po. 
Non, je ne reprendrai pas la ferme. 

Et puis, il y avait mon frère.
Personnellement, les trayeuses automatiques ne m'avaient jamais fasciné, contrairement à Cécile, ma meilleure amie, qui n'avait jamais été rebutée à l'idée de boire un verre de lait chaud tout juste sorti des mamelles bovines.

La seule chose que je pouvais faire pour l'exploitation familiale, c'était de m'intéresser à la politique européenne, et essayer de comprendre par quel miracle la Reine d'Angleterre et LVMH avaient pu devenir les principaux bénéficiaires de la PAC. 
Une histoire de cognac semblerait-t-il. Je ne pouvais m'empêcher de visualiser Marc Jacobs au salon de l'Agriculture en train de tendre un petit digeo au président de la République, s'emplissant les poches de subventions destinées à des élevages porcins et autres cidreries. 



Il y a des gens pour qui les choses sont plus compliquées que pour d'autres.
En fait ça a commencé quand j'avais quatre ans.

Ce jour de rentrée dans la petite école communale. 
Ma future institutrice qui rassure ma mère sur le fait que je m'intégrerais bien.
Ma mère qui pose ses mains sur mes oreilles pour ne pas que j'entende que ce n'est pas facile pour les gens comme moi.
Cette gamine, qui me demande où est ma mère.
Timide, je la désigne silencieusement du doigt. 
Elle me répond "Pas elle, ta vraie mère". 

A quatre ans, je n'avais pas encore étudié les lois de la génétique, et je ne m'étais jamais posé la question de savoir comment ma mère et sa peau claire pouvait avoir hérité d'un petit garçon à la peau sombre, sans être passé par le truchement dudit facteur précité. 

J'apprendrai plus tard qu'ils m'avaient adopté, tout simplement.
Un reste de repentance colonialiste peut-être.

J'étais pas assez couleur locale. Pas tout à fait noir non plus d'ailleurs.
En fait j'étais ni fait ni à faire, quitte à me compliquer la vie, ils auraient pu finir le travail. 

A l'école ça se passait super bien.
Bien sûr, y avait toujours un esprit infantile mal placé pour me dire que, comme disait son père, les gens comme moi puaient et prenaient le travail des français. 
Franchement, j'aurais eu quatre grands frères plus costauds, une afro et un sens du funk affirmés, je n'aurais pas eu ce genre de problèmes. 
Au pire, quelques soucis de mœurs par la suite, et un parc d'attraction en faillite, mais rien de bien grave.

La boulangère me suspectait toujours de vouloir chaparder des roudoudous quand je venais chercher du pain. 
C'est scandaleux.
Tout le monde sait que ce sont les arabes les voleurs.

Je grandissais. 
Ma mère trouvait que je passais beaucoup trop de temps avec mon groupe de musique. 
Elle était persuadée que je passais mon temps à me droguer avec eux. 
N'importe quoi.

C'était Cécile qui me fournissait.
Haaaaa Cécile...
Elle m'a révélé la vie. Tous les garçons du lycée voulaient sortir avec elle. Pourtant elle ne traînait qu'avec moi. 
Tout le monde pensait qu'on sortait ensemble.
Oh, on a bien essayé une fois ou deux. Mais je me sentais presque incestueux, Cécile, c'était comme ma soeur, on pouvait parler jusqu'à l'aurore sans se lasser. 
Quand on partait en grandes vacances, on s'écrivait sans arrêt.


Elle ne s'entendait pas vraiment avec son père.
C'était un sacré numéro Cécile, souvent, elle m'impressionnait. 
Elle paraissait fragile, mais avait un tempérament incandescent et envoyait ballader tous les mecs qui venaient la draguer. 
La plus belle femme que j'ai jamais connue, la plus touchante aussi, et probablement ma première émotion sentimentale. 

Et puis, j'ai commencé à me poser des questions. 

Des questions bateau. D'où viens-je, où vais-je, Doc Marten's ou Converse, filles ou garçons?

Y avait un mec, Yohann, un pote du frère de Cécile. Je savais pas pourquoi il me fascinait. 
Grand, blond, les yeux bleus, un peu une caricature de beau gosse dans son genre.
Il était super réservé, mais sans vraiment savoir comment je savais qu'il avait un rôle à jouer dans ma vie. 
Je ne savais pas encore lequel. 
Changer l'ampoule à mon plafond peut-être. 

On est rapidement devenus assez proches. 
Il me racontait sa vie, il me disait qu’il bossait dans une boîte assez chiante, mais qu’il écrivait et qu’il espérait qu’un jour il serait publié. 
Il me disait qu’il fallait que je fasse quelque chose de ma vie, que je pouvais pas passer mon temps à faire de la musique.

Je passais souvent chez lui. 
Il me filait des bouquins que je devais lire, pour qu'on en discute après. 
On restait des heures à descendre des bières et à discuter de ce qu'on avait vu, ou lu.

Et puis un jour...
Je lui disais que je me demandais où je serai dans dix ans. Que j'avais l'impression de ne pas avoir ma place dans ce bled.
Il me répondit que je me posais trop de questions, que je devais laisser les choses venir d'elles-même, que ce qui devrait arriver arriverait. 

Et puis il y eut ces quelques secondes en suspens. 
Ces quelques secondes que j'avais déjà vécu avec Cécile, quelques temps auparavant. 
Ces quelques secondes uniques, que l'on attend pendant parfois des semaines avant d'atteindre cette suspension de temps et d'univers.
Ces quelques secondes où le rythme cardiaque s'accélère, les pupilles se dilatent, l'estomac se resserre et la température augmente de façon imperceptible.
Quelques secondes où tout est encore possible, quelques secondes avant le point de non-retour.
Le silence retentissant avant l'envahissement.

Quand il tenta de m'embrasser, je le repoussai violemment.
Mais quand il attrapa mes poignets pour m'emprisonner contre l'appui de la fenêtre, je ne pus que me laisser aller à ce vertige dans lequel je brûlais de me défier mais redoutais de me consumer.

Personne ne savait.
Dans un village tout se sait trop vite. 

Et puis j'ai mal tourné.
Trois mois plus tard, j'intégrais Sciences Po.

C'était un nouveau départ pour moi.
La vie parisienne, les soirées. 
Les pleins phares des années 80 sur les dance floor, j'étais in, plus ou moins à mon insu.

Avec Yohann nos rapports étaient devenus violents. 
Une violence-dépendance qui parfois me dépassait et m'inquiétait. 
Il vivait ses expériences, je vivais les miennes. 

Quelques mois plus tard on se quittait.
Il avait besoin de partir pour écrire, et je n'ai pas su le retenir. 

Je retombai sur Cécile, au hasard d'un grand magasin.
Elle continuait à chanter, dans des petits groupes, tout en étant assistante de direction le jour. On a commencé à se revoir régulièrement. Au fur et à mesure on passait de plus en plus de temps ensemble, c’était un port, un phare dans mon brouhaha sentimental. Et un jour, je sais pas pourquoi…

Je la demandai en mariage.
Comme ça, entre la clémentine et le roquefort, comme je lui aurais demandé si je pouvais lui taxer une clope.
Je lui disais que j'avais envie de me poser un peu, qu'on pourrait continuer à faire ce que l'on voulait chacun de son côté.
Elle me dit banco, et je retrouvai la douceur juvénile de ses lèvres sur les miennes.

Mes parents étaient soulagés, je leur offrais l'apparence d'une vie rangée. Pourtant je ne me mentais pas, quelque part au fond de moi j'aimais sincèrement Cécile.

Curieusement, ce sont mes potes branchés qui ont commencé à me lâcher. Parce que je rentrais dans le moule. Que je faisais mon coming-in. 
De toute façon c'est mon karma depuis que je suis né, je finis toujours par me faire virer de mes groupes sociaux. 

Ca a marché pendant un moment. 
On était heureux ensemble. 
Mais on a fini par se séparer, sans heurt, sans cri.
On s'aimait toujours je crois, mais on ne se suffisait plus.

Quelque chose en moi n'était jamais complètement satisfait. 
C'est tout le paradoxe d'aimer plusieurs parfums. Chez le glacier, on a l'embarras du choix, mais une fois le cornet à la main, on lorgne sur celui du voisin.
Je voulais la force et la délicatesse à la fois. L'expérience et la candeur. La maîtrise et le lâcher prise.

Entre temps, je rencontrai Javier, un ingénieur barcelonais, avec qui je me suis rapidement installé.

Je disais à ma mère qu'on était collocs mais je crois qu'au fond elle n'était pas dupe. Les mères savent toujours ces choses là, elles ne veulent juste pas se l'avouer parfois.

Un jour, au cours d'un déjeuner dominical, je décidai de leur dire la vérité.
Ma mère me demanda si c'était à cause de Cécile.  
Ma grand-mère, qui entendait de moins en moins, me dit que j'avais raison, qu'il n'y avait rien de tel que les métiers manuels.
Mon père lui répondit qu'elle n'avait rien compris, que son petit con de fils était de la jacquette. Que je devrais avoir honte de faire pleurer ma mère.
Ma grand-mère, qui n'entendait pas plus, me félicita en me disant que j'avais choisi un bien beau métier et que ma mère se ferait à mes voyages.

Alors je suis temporairement sorti de leur  vie. 

J'ai pris plus d'engagements dans mon arrondissement. 

Ma mère sembla rapidement accepter ma vie. Elle appelait en cachette, quand mon père travaillait dehors.

Ma notoriété politique augmentait en même temps que mes responsabilités.
J'étais devenu le client phare des media.
On me demandait mon avis sur tout, mais surtout sur les lois anti-homophobie, sur les sifflets provenant des tribunes du PSG à l'encontre de joueurs noirs, sur les manifestations de parents gays et lebiens, sur la mort de Guillaume Dustan et les risques du barebacking.

En tant que PD, je n'avais pas droit d'être casanier, plan-plan.
J'étais comme tout le monde. Même les homos ont des pannes, Javier en avait suffisamment fait les frais en période de stress.


Pour les faire taire, j'avais présenté un programme en cinq points :

"- Rétablissement de la pénalisation de toute sexualité déviante, ceci incluant bien évidemment la sodomie. Une exception pourrait être prévue en faveur du couple hétérosexuel, et ce afin de favoriser l’harmonie du foyer. En effet mieux vaut, dans un but de prophylaxie sociale, un homme frustré qui pratique la sodomie avec sa femme plutôt qu’un homme pratiquant l’homosexualité et risquant d’encourager ses pairs à faire de même. Le saphisme sera également proscrit. 

- Rachat par l’État des habitations du quartier du Marais, et revente à des personnes de confession israélite afin de rétablir l’état de fait qui existait auparavant. Non que cela soit réjouissant de voir accéder ces personnes à la propriété, mais cela permettra peut-être d’endiguer l’islamisation de la France, autre fait alarmant de notre société.

- Création des centres de rétablissement d’identité sexuelle pour les personnes atteintes des pathologies sus décrites. Il ne s’agit en aucun cas de les accabler, ces derniers étant malades, une thérapie adéquate doit leur être destinée. Lors de leurs sorties du centre, les malades devront porter un triangle rose au bras. 

- Ré-pénalisation de l'avortement. Il s’agit d’un meurtre et cela ne saurait être acceptable. Cela amènera les jeunes filles à prendre conscience de l’importance de garder sa vertu jusqu’au mariage.

- Rétablissement d'un Ministère de la Famille afin de faire de la cellule familiale un problème national.

- Établissement d'une favorisation fiscale pour les familles de trois enfants nés de parents établis en France depuis au moins trois générations. En effet si l’on conjugue le développement de l’homosexualité, que celle-ci soit masculine ou féminine, à l’arrivée massive de familles de confession musulmane et donc ouvertes à la polygamie, on risque de voir disparaître rapidement les français de souche. 

Conclusion : Proposition de réouverture de  maisons closes spécialisées, permettant aux hommes et aux femmes de garder un mariage sain et d’offrir un cadre exemplaire pour élever leurs enfants, tout en trouvant satisfaction de leur déviances dans des établissements ad hoc. Mieux vaut encourager une bisexualité encadrée (l’individu saura alors taire ses penchants homosexuels) qu’une homosexualité néfaste à la bonne marche de la France. 
Croyez, cher Maréchal... pardon monsieur le Garde des Sceaux etc etc."

Curieusement mon papier a été considéré de très mauvais goût par l'intelligentsia politique.
Ces gens là n'ont aucun humour.

Pourtant, j'étais toujours le noir de service. Le bi de service. Le gaucho de service.
A moi seul j'explosais tous les quotas, il ne me manquait plus qu'à être reconnu COTOREP, ce qu'à choisir, aurait peut-être préféré mon père, au moins on a des aides de l'Etat pour ces choses là.

De toute façon on est toujours le noir, le PD, le con de quelqu’un. Dans tous les cas, on le choisit pas, c’est inscrit dans votre karma à la naissance. 

Alors quand on est noir on peut essayer de se blanchir la peau. Quand on est con on peut essayer de s’instruire. Quand on est PD ben, on peut essayer de faire semblant pendant un temps… 


Aujourd’hui je suis toujours avec Javier. 
La vie parisienne rend les couples fragiles. 

Je crois que parmi mes amis on est le couple qui a le plus duré.

Mes parents ont divorcé. Ma mère est venue me demander conseil quand elle a décidé de quitter mon père. 

Lui a fini par digérer ma différence. Un jour, il a même appelé Javier pour avoir des conseils afin de changer la structure de son entreprise. 


Parfois, j’imagine ce que m’a vie aurait été si j’étais rentré dans le moule.  


Je me vois couper du bois sur la musique de la petite maison dans la prairie. 
Au loin, mon épouse étend le linge. Je lui adresse un grand sourire et lui fais un signe de la main. 
Elle rentre finalement à la maison. 
Je soupire, pose ma hache et m'engouffre dans la grange. 

Deux mains me prennent par la taille.
Débraillé et magnifique, quelques brins de paille dans les cheveux, une apparition : mon facteur.