mardi 24 février 2009

La dilettante apprivoisée


Je n'ai jamais réussi à me décider.

Quand j'étais toute petite déjà, je ne parvenais pas à faire un choix entre toutes mes peluches, pour savoir laquelle partirait avec moi en vacances.

Plus tard, je voulais prendre toutes les options, essayer toutes les activités.

Comme ces gens, qui ont besoin de tout toucher, qui n'arrivent pas à faire de choix.

Entre l'atelier poterie et les cours de piano.
Entre le moelleux au chocolat et la tarte bourdaloue.
Entre une nymphette insolente et une belle plante apaisante.

Alors ils cherchent des compromis.
Posent leurs mains agiles sur une sonate en ré mineur avant de les plonger de façon lymphatique dans la terre molle qui leur pourlèche les doigts.
Optent pour une ronde d'entremets qui titillera leurs papilles friandes.
Offrent une coupe à une gazelle haute sur pattes pour s'endormir auprès d'une liseuse de bonnes aventures.

Et puis il y a ceux qui, à force de vouloir goûter à tout, se retrouvent disciples de l'inconsistance, incapables de mener quelque entreprise à son terme.
Qui abandonnent les touches albes et brunes après trois accords ratés, et remisent sur des étagères poussiéreuses leurs faïences déformées.
Qui déclarent forfait face à une farandole de ramequins sucrés.
Qui se retrouvent, marivaudeurs incurables, seuls, devant leur écran de télé.

Elles sont partout, ces figures de murti inachevées.
Ce chef d'entreprise qui a son bureau en haut d'une tour d'où il voit la ville à l'envers, mais qui aurait voulu être un artiste, il est là, dans un bar-karaoké miteux de quartier, à s'imaginer vêtu d'une veste en lamé zébrée, acclamé par la foule.
Ce cousin, qui a toujours été l'amuseur de la famille, et qui vient de saisir le micro pour faire un discours à destination de la mariée qui cache de façon pudique son rire derrière sa main fraîchement scellée d'un anneau doré.
Cette mère de famille, qui n'a jamais trouvé de temps pour s'adonner à la peinture, et qui se lance dans une page internet au goût douteux, parée de séraphins et d'hirondelles, pour présenter ses créations.

On se moque d'eux parfois.
Certains ont la faveur des grands, offerte par une célébrité parfois incertaine, de se voir donner les moyens de tenter leur chance.
Cela nous laisse un parfum de coup tenté, d'essai pas toujours transformé.
Mais que seraient nos soirées année 80 sans footballeurs blonds qui chantent qu'ils nous survivront?
Les Razzie awards sans chaînes hôtelières qui placent dans des navets leurs blondes héritières?

On en a vues, des célébrités au quart d'heure devenir chanteuses de supermarché.
Des chanteuses inspirées, médiocres comédiennes étriquées.
Des comédiennes appelées, piètres défenderesses des causes des opprimés.

Pourtant, d'autres dérogent à la règle, et semblent être nés avec toutes les options, cette facilité déconcertante de ceux pour qui tout semble couler de source, qui s'ils s'éparpillent, le font néanmoins dans la qualité.

Ils s'essaient à beaucoup de choses, mais quand ils entreprennent une activité qui leur sied, ils s'en montrent dignes représentants.
Ils chantent, ils jouent, et s'ils pouvaient danser le Kazatchok sur une plage du Pacifique tout en combattant des requins et en brillant au water polo ils le feraient.

Il sont réalisateur-comédien-clarinettiste, ou encore politicienne-pianiste.

La France n'aime pas les gens trop curieux, elle s'en méfie.
Un artiste qui se partage ne peut honorer tous ses choix.

Alors on catalogue, on labellise, on met des étiquettes partout, sur tout et tout le monde.
Chanteur pour midinettes. Par opposition aux chanteurs de maisons de retraite? Mais où sont passés Prudy Printemps, Franck Michael?
Nouvelle scène française. Comme s'il y avait une scène antique, archaïque, surannée. Il y a certes des routards de la scène, et des chanteurs démodés. Mais je vous mets au défi de me décrire ce qu'était la scène ancienne, quand, sauf exception, tous se retrouvent sur les plateaux d'émissions du dimanche après-midi devant le même public.

On met dans des cases, dans des boîtes desquelles il serait bien prétentieux de vouloir sortir.

Même sur scène, on n'a jamais trouvé d'équivalent français aux perfomers et entertainers.
Amuseur public peut-être.
Baladins, saltimbanques, cabotins.

Il en est qui badinent avec plusieurs disciplines, et cela leur sied si bien.

Aujourd'hui, je m'applique toujours à esquiver les spécialités.
Ce qui démontre certes une certaine curiosité, mais pousse parfois à une relative antiproductivité.

Quand on touche à tout, on ne saisit rien.

Jusqu'à dans mon activité principale, je n'ai pas pu me départementaliser.

Quant à mes animations contingentes, j'aime les mots qui tintent, qui bourdonnent, qui résonnent.
Je les aime derrière des rideaux, à la plancha, sur des cordes, ou manuscrits.
Ce sont peut-être des histoires au savon de Marseille, des petites soap stories, des mélodies insignifiantes.
Peut-être que tout cela ne fera que rester dans mes paniers d'osiers.

Mais, même si toutes nos tentatives ne sont pas couronnées de succès, qu'est-ce qui nous empêche, s'il nous plaît, de nous enthousiasmer de différents mets?

NB : Normalement vous pouvez à présent laisser des commentaires même si vous ne possédez pas de compte sur le site. 

6 commentaires:

  1. Haaa toujours aussi bon. Et rigolo car l'un de mes premiers posts sur mon blog disait la meme chose...
    Je suppose aue nous sommes beaucoup dans ce cas...

    PS: Bien joue pour les commentaires

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  2. Hehe tu as raison je me souviens, your brain is a theater, and so is mine ^^

    Mais je n'ai pas encore réussi à déterminer si c'était la comedia dell'arte ou un théâtre de l'absurde là-haut ^^

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  3. Tiens, et comme tu es la personne qui m'a fortement aidée à me canaliser et à assumer mes velléités d'écriture, j'ai envie de te citer, parce qu'on est pareils :

    "L’enthousiasme chez moi, c’est un peu la boule de bowling qui vient faire un strike dans les quilles de ma concentration."

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  4. Ha ha ha... whoua ! Ca c'est de la citation !
    Je suis content si j'ai pu t'aider a te canaliser, meme si je vois pas comment, parce que je n'arrive pas a m'aider moi meme !

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  5. Très joli, tu as bien raison de refuser de choisir, garder toutes les options possibles c'est aussi ma devise. Levons nos verres à ceux qui déploient mille et un talents.

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  6. Hey ca ronfle ici ! Quand est ce qu'il y a du neuf ?

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