dimanche 12 juillet 2009

Kids



- Bonsoir monsieur, excusez-moi de vous déranger à cette heure tardive, mais pourrais-je parler à J.?

- Oui oui il est là, J????, c'est pour toi! prend le téléphone en haut je raccroche!


Il me revenait des souvenirs d'ados, à chaparder le téléphone pour aller me caler sur mon lit dans ma chambre et passer un coup de fil qui s'éterniserait pendant au moins deux heures.


- Tu sais à quelle heure tu appelles? Mes grands-parents étaient déjà au lit!

- Oui mais je viens de rentrer et...

- Eh ho t'es pas à Paris ici, on vient de finir l'émission sur la 1 et moi j'allais me coucher.

- Moi aussi ça me fait plaisir de t'avoir au téléphone!


Cela faisait plus de dix ans qu'on se connaissait, et j'avais un peu l'impression de retrouver mon voisin de cours de latin à chaque fois que je l'avais au bout du fil.


- Bon sinon quoi de neuf?

- Ben écoute, rien de spécial et toi?


Le dialogue typique de deux personnes qui ne sont pas vues depuis trop longtemps, mais qui ne peuvent résumer leur vie en un coup de téléphone trop expéditif, juste pour prendre des nouvelles.

Alors en général on s'en tient à l'essentiel : Le boulot ça va, non je n'ai toujours pas déménagé, oui la petite dernière vient de passer son bac.


Je n'avais jamais ce problème avec J., même si on ne s'était pas eus au téléphone pendant des lustres, on avait l'impression de s'être quittés la veille. Comme lorsque l'on se rappelait le soir après le lycée, alors que l'on venait à peine de se quitter à la gare routière.


On ne se lassait pas se remémorer certaines anecdotes émoussées par le temps, mais qui ne prenaient pas une ride.


Il me voyait un peu comme une néo-parisienne légèrement aveuglée par les éclats citadins, jamais en panne de clabauderies boulevardières et de rencontres improbables, pendant que lui ermitait sa vie qu'il ne pensait que trop mal partie.


Pour autant, il continuait de moquer la collégienne timide et maladroite que j'avais été et que je restais, de me faire rire avec ses références qui n'avaient pas pris une ride depuis ces années.

J'allais volontairement me heurter à ses répliques réactionnaires mais prévisibles, parce que de toute façon je lui pardonnais tout.


Je réalisai, en raccrochant, qu'on ne s'était pas querellés depuis trop longtemps, cela me manquait presque.

Sans doute parce qu'à l'époque, je ne pouvais supporter certaines de ses réactions, et, quelque part, cela nous plaisait bien de nous raccrocher au nez après quelques échanges houleux.


C'était l'époque des messages sur le tam-tam, des posters sur le mur dont quelques-uns, jaunis par le soleil, n'ont jamais été ôtés. L'époque des cartables en cuir, des trousse en daim que l'on se dédicaçait mutuellement, des petits mots échangés sur une feuille de classeur en cours de français, des parents qui venaient nous chercher à minuit après que l'on ait dansé sur L'aventurier, des parties de Uno dans le car qui nous emmenait en voyage scolaire, des premiers émois qui ne se concrétisaient pas, des bandes dites "populaires" et des Doc Marten's


Puis la fac qui nous avait séparés, ce bar en face de la gare dans lequel on ne se lassait pas de se retrouver.

Les petites sœurs mutuelles que l'ont avait vues hautes comme trois pommes et qui étaient maintenant des jeunes filles affirmées. Plus je m'éveillais à rencontrer de nouvelles têtes et à voir de nouveaux horizons, plus il s'ancrait dans son quotidien et jouait les anachorètes.


Mais la gamine timorée et gaffeuse n'était jamais loin, et il ne manquait jamais de me le rappeler.


Je pouvais avoir été une working girl opiniâtre toute la journée, une aspirante écrivaillonne chaotique, en ce soir de semaine, je retrouvais mes mercredis après-midi de teenager au téléphone.

2 commentaires:

  1. merci, merci beaucoup c'est tres juste et parfaitement écrit. En fait tu as tout compris et c'est vrai que je suis le seul a te connaitre vraiment et je sais que la petite collégienne est là quelque part. On ne se dispute plus assez ces derniers temps mais les bases de notre amitié sont des plus solides ce qui fait de nous, des amis pour la vie :)
    Mille bisouxx

    PS: ce n'était pas un tam tam mais un TATOO!!


    Monsieur J

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  2. Pffff un tatoo, un tam tam, de toute façon je n'en avais pas à l'époque, je me contentais de pourrir le tien avec du Larusso :D
    T'es même pas venu finalement voir Jojo - que je n'ai pas vu du coup - sur les Champs, tu as loupé un très chouette feu d'artifice, sujet d'ailleurs de mon billet du jour :)

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