mardi 14 juillet 2009

Come on baby light my fire












Au dehors, j'entendais encore la plèbe festoyante qui déambulait en une marée oisive au bas de mon immeuble.



Un sommeil semi-réparateur avait consciencieusement snobé la retransmission matinale du défilé martial.






Malgré un cerveau qui me réclamait une alcôve rédemptrice après une journée de lawyer class hero, j'avais testé la veille les festivités du bal des pompiers.






J'avais auparavant fait un bref détour par Bastille et son concert écolo-bio-ska-rap-musette.



N'étant ni particulièrement zouk de cœur, ni particulièrement ska, ni particulièrement musette, je ne m'y étais guère attardée et avais fini par faire une pause salutaire dans un pub du quartier, pour me régénérer d'ondes rock (le rock et ses effets libinidesques, qui feront d'ailleurs l'objet d'un très prochain billet).



Je m'étais sur la route faite accoster par un badaud de la séduction, un vaincu d'avance du charme, plus communément dénommé relou de service, de ceux que l'on ne croise que lorsque l'on se retrouve esseulée l'espace d'un millième de seconde au milieu des égarements d'une foule et qui nous presse à adresser un regard désespéré vers le premier garçon allié pour qu'il éloigne l'empêcheur de guincher en rond.



- C'est quoi le groupe qui joue là?



- Java.



- Cool. J'aime bien. Je viens de Châtelet.



- Ha. Cool.



- Oui y avait du rock aussi.



- Ha, bien. [Si Java c'est du rock je veux bien me pendre au-dessus de la scène du CBGB avec les cordes de Slash. Je feignais de ne pas m'offusquer de ce rapprochement hasardeux.]



- En fait j'ai laissé mes amis là-bas je suis venu tout seul.



- Ha, c'est dommage, vous auriez dû rester avec vos amis.



- Oui mais je voulais voir ce qu'il se passait ici. Sinon ton nom c'est quoi?



- ... Jocelyne.



- Cool. Anthony.



- Enchantée, [looser].



- Tu vois là j'ai laissé mes amis pour voir un peu quoi.



- Ha ok. Ben moi je vais essayer de retrouver les miens [vite, très vite, car moi j'ai des amis bien réels qui feraient bien de rappliquer rapidement].



- Mais si tu veux je te donne mon numéro de portable.



- [Tu sais où tu peux te le foutre ton 06?] Non ça ira merci c'est gentil.



- Non parce que j'habite à Voltaire à côté on pourrait se faire des sorties.



- [Ou pas]. Non c'est sympa merci.



- Non parce que tu sais je suis puissant.



- Aaaaah [le massacre de Jonestown c'était pas toi par hasard?].



- Non mais je suis puissant sur tous les plans tu vois...



- ... [May Day, May Day, je me fais attaquer par le fils caché de Charles Manson et Rocco Siffredi].



- Bon ben tu veux pas qu'on échange nos numéros alors?



- [Attends laisse-moi réféchir...] Non, toujours pas.



- Bon ben bonne soirée.



- Bonne soirée [psycho].






Après cet épisode ubuesque et un gin tonic revigorant, je délaissai mes amis qui se dirigeaient vers la caserne de Reuilly.






J'avais prévenu ma compagne de dancefloor, je faisais un saut, et je repartais.



Evidemment, je suis restée jusqu'à ce que Lionel Richie nous chante de dire toi, de dire moi et que les Scorpions nous envolent dans leur vent du changement



Je fus d'abord surprise par la queue devant la caserne, digne de celle qui patientait en trépignant devant l'Etoile.



Un premier pompier nous attendait à côté du portique de sécurité. Je me retenais de faire un mot improbable qui n'aurait été que le début d'une lignée de réparties usées de midinettes excitées par l'attrait de l'uniforme. De toute façon, je n'avais jamais particulièrement fantasmé sur les pompiers, le crâne rasé, ce n'est pas mon truc. Je fus forcée de revoir ma position face à une rangée de coyote firemen chauffant la foule du haut du bar. La soirée ressemblait à une gigantesque kermesse teintée de clubbing. La cour de la caserne pourtant grande était envahie d'une foule hallucinante. Des odeurs de merguez grillées arrivaient à mes narines, et je repensais soudain aux kermesses de l'école, aux galettes-saucisses, à la pêche à la ligne, à la tombola, aux mères qui préparent des tartes et des quatre-quart, aux flonflons à la française et fancy-fair à la fraise. L'ambiance était néanmoins beaucoup moins familiale, bien que tous les âges se croisaient, du couple en sortie hebdomadaire aux gang de copines surexcitées en passant par les mécheux des clubs branchés. Loin de l'imagerie beauf que je pouvais m'en faire. Ce fut une nuit populaire donc, mais dans le bon sens du terme. C'était dit, chaque année je retournerais au bal des pompiers.



Le bal terminé, des jets de pétards appelèrent un débarquement d'hommes en bleus casqués, tasers et flashballs à la main. On ne rigole plus avec la sécurité à la sortie des kermesses.






Le lendemain, je n'eus d'autre choix que d'annuler mon pique-nique un peu trop précoce en journée, pour me contenter d'un café en terrasse.



A 16H, mon quartier était déjà bloqué en prévision des festivités du soir.



Heureusement pour moi, j'avais une facture qui traînait dans mon sac à main et me permettait de justifier que oui, j'habitais bien au 12, dans l'immeuble duquel je venais de sortir et dont entre temps je n'avais pas déménagé.



Avant les kermesses, il faut montrer patte blanche désormais.






En fin d'après-midi, je rejoignis une bande de gais gamins qui regardait des oiseaux militaires multirotors s'envoler.



Comme la veille, je savais que j'étais censée passer la soirée avec de multiples connaissances, mais que nous ne retrouverions jamais au milieu d'un quartier envahi par la multitude de têtes chercheuses de sons et lumières.






Nous avions loupé le concert de l'année.



Un brailleur pour adolescentes prépubères à la voix grinçante et une ex idôle des jeunes retraitée au pays de Milka.



Je le regrettais un peu néanmoins. Non pour la première partie, qui m'aurait probablement hérissé les poils à en frire mes oreilles, mais pour ne pas m'être mélangée aux tee-shirts à têtes de loups argentées hurlant à la lune et aux tatouages de Harley. Après tout, on aime ou on n'aime pas, mais on ne pouvait dénier que le type assurait.



Et puis flûtiau, il fallait voir ça une fois dans sa vie avant que la sienne ne s'achève. Cela fait partie de ces monuments du patrimoine culturel que l'on dédaigne par mépris d'un français-moyennisme de grande surface, mais devant le succès duquel on ne peut que s'incliner.



Enfin, ce sont quand mêmes nos impôts, comme le rappelait justement C.






Nous nous dirigeâmes vers le Champ de Mars avant de faire escale dans une rue légèrement reculée, aux fins de voir quelques bribes des apparats de lumière de la Dame de Fer.



Mon regard se perdait avec un sourire en coin idiot dans les éclats pyrotechniques.



Des belles bleues, des belles rouges, des petits feux follets harnachés aux armatures métalliques de l'imposant ouvrage se miroitaient de façon touchante dans la cristallinité des yeux de mon voisin, qui avait retrouvé le temps d'un ballet illuminé un air de tendre gamin fasciné par les explosions multicolores.



J'occultais, l'espace de ce moment précieux suspendu à ces mirettes de môme hypnotisé, tous les brailleurs de bacs à disques pour adolescentes et rockeurs à la française pour playlist présidentielle aux goûts douteux, tous mes préjugés de néo-parisienne à l'endroit des festivités organisées par la ville, toute idée qu'il faudrait réintégrer dès le lendemain le flux de costards-jupe-crayon.






Le feu d'artifice était terminé, nous n'avions plus qu'à nous disperser dans les bruits de verre brisé, de pétard et de sirènes.



En rentrant, je retombai sur ma robe bleu marine à pois blancs que j'avais déposé sur mon lit, me disant qu'elle aurait été parfaitement raccord avec une guirlande d'ampoules multicolores et une guinguette de 14 juillet.



C'est plus fort que moi, je ne parviens pas à être cynique très longtemps, je fonce au devant d'images d'Epinal que j'accroche dans mes souvenirs comme autant d'enfantillages ressourçants.





2 commentaires:

  1. Si tu veux que je te donne des cours de cynisme, y a pas de problème !!

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  2. Hehehe t'en fais pas, le cynisme je peux faire aussi, mais je préfère généralement le faire par l'intermédiaire de personnages blasés immoraux et sarcastiques ^^

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