lundi 3 août 2009

Astrée et les Beach Boys


Beach Boys - I get around





Et après on va se demander pourquoi les gens sont sur la défensive à Paris.


Je rentrais bien tranquillement chez moi, après avoir néanmoins légèrement accéléré à la vue d'un individu qui m'avait emboîté le pas.

Alors que je refermai ma porte, celui-ci m'arrêta :

- Excusez-moi?
- [Hum, j'ai pas de thunes cherchez pas]. Mmmm? Dis-je d'un air frigide et peu convaincu.
- Est-ce que vous seriez intéressée par une relation?
- [Vous êtes sûr que vous préférez pas de la thune?]. Non [merci, sans façon, j'ai déjà dîné, mais c'est très aimable à vous de me le proposer. Vous êtes sûr que vous ne préférez pas de la thune?].
- Vous êtes sûre, vous ne voulez pas discuter un peu?
Mais qu'ont-ils tous ces inconnus qui veulent soudainement jouer les Arlette Chabot en fin de soirée devant ma porte?

Alors forcément quand, après avoir soigneusement refermé ma porte et bien engagé le clenche pour être certaine qu'aucun importun à la recherche d'une débat phénoménologique sur la la théorie de la fusion des liquides ne s'introduise dans mon hall, j'ouvrai la deuxième porte sur un autre inconnu qui attendait dans l'escalier, je ne pus m'empêcher d'étouffer un cri de surprise.


- Qu'est-ce que voul... hum pardon vous m'avez fait peur. Vous attendez quelque chose?

- Heu oui, l'ascenseur.
- Ha oui. Ca paraît logique étant donné que nous sommes devant un ascenseur [mais vous le l'attendez pas pour le bloquer et me violenter contre la grille, on est d'accord?].
Bon ben, je le prends aussi [Enfin je crois. Je vais peut-être attendre le suivant finalement].
Vous êtes nouveau ici?
- Non moi habiter ici depuis un an.
- [Hum... Vous avez vos papiers?]. Vous montez? [Non andouille, étant donné que nous sommes au rez-de-chaussée, il a sûrement son matelas à la cave].
- Oui, 5ème.
- [OK, un point pour lui, je ne connais juste pas la moitié de mes voisins de palier. Merci Paris.] Puis vous allez au 7ème?
- Non 16ème.
- Oui, mais vous habitez au 7ème?
- Ha oui! Je suis japonais.
- Haaaa vous êtes étudiant?
- Non je travaille.
- Ha... vous travaillez où?
- Dans un japonais.
- Ha [en même temps c'est logique, vous m'auriez dit que vous travailliez dans un grec de St Michel j'aurais eu du mal à vous croire].

Je ne suis pas méfiante de nature - quoique - mais vous m'accorderez qu'en l'espèce, c'était circonstancié.



Enfin, je m'éloigne de mon sujet de départ qui n'avait absolument rien à voir avec ces considérations et nous emmène bien loin de ces préoccupations de citadines parasitées par leur charme ravageur. Ou simplement poursuivies par des quidam qui accoupleraient leurs fluides avec n'importe quelle poitrine bipède.



Oubliez donc Paris, occultez pendant quelques minutes les bruits de tout ce qui roule sur rail, ou sur périphérique d'ailleurs.



Je vous emmène au pays des cigales, du basilic et du romarin, des marais salants et des dunes à pertes de vue.


Montpellier Saint Roch, 22H30.
Trois heures après avoir quitté une gare de Lyon bruyante et assenée de flux de parisiens qui partaient en week-end, j'allais enfin retrouver l'odeur des pins parasols et le calme d'un week-end régénérant bien mérité.
C'était sans compter la présence d'un petit groupe de cagolettes qui avaient pris place près de moi.
Parfois, il n'est nul besoin d'aller chercher des caricatures, des allégories du ridicule humanoïde.
Il suffit de regarder ces nymphettes et leurs gloussements, échanges de messages téléphoniques avec des Ben et Kevin (cela de s'invente pas) et opérations manucure express qui envahissent tout le wagon d'un odeur écoeurante de vernis.

Je restai indifférente, songeant à la dernière fois que j'avais interpellé une gamine qui était sur le point d'incommoder tout son voisinage avec sa french manucure. Je m'étais retenue, puis n'y tenant plus, l'avait arrêtéeà deux ongles du trouble de voisinage :


- Excusez-moi, mais cela vous ennuierait-il de faire cela plus tard, à cause de l'odeur?
- Ah? Vous êtes allergique?
- [Non, ça pue connasse]. Non pas du tout, mais j'ai peur que vous incommodiez votre voisin, l'odeur est assez forte.

Contrariée, la vernisseuse m'avait toisée d'un regard daidaigneux de profane qui ne comprenait rien aux diktats de la mode, et avait passé le reste du voyage à examiner agacée son unique ongle peinturluré.


Encore une fois je m'égare. Revenons-en à ce soir, où j'avais décidé que rien ne pourrait entraver cet état de zénitude qui ne devrait pas me quitter avant le lundi matin.



Ce week-end s'annonçait régénérateur.

Je le passais avec mes parents. Non il n'y a pas de rupture comique dans cette succession syntaxique. Le programme serait le suivant : mode no-smoking, 25cl de vin par repas au lieu de la bouteille entière, couchée à minuit dernier carat, et marches en guise de sortie crépusculaire - cette fameuse proposition, "On va faire un marche?", que j'abhorrais quand j'étais plus jeune, car elle était synonyme de longue promenade à la vitesse d'une tortue tétraplégique en suivant sagement mes géniteurs.


Les vacances en famille peuvent apparaître à première vue d'un ennui terrifiant.
Depuis quelques temps, et dans la mesure où lesdites vacances familiales se limitaient à un week-end prolongé, je les voyais néanmoins comme une opportunité de me forcer au repos. Pas de sortie, ce qui pourrait apparaître pour certains comme source de désespoir insatiable, mais me permettait de faire une cure de sommeil.

Il ne faudrait pas que cela dure plus longtemps, car plus de trois jours sans cuite, sans ami, sans inconnu à draguer, c'est long.

Car dès lors que je rejoignais ce petit port et ce mode de vie façon Madrague, je ne pouvais que me mettre en mode off drague.


De toute façon, dans ce petit coin de station balnéaire, il n'y a rien à draguer. On n'y trouve que des familles regroupées, et les seuls célibataires subsistants me feraient risquer l'agression sexuelle sur mineur de moins de quinze ans ou personne vulnérable de plus de quatre-vingt ans.


La plage trouve néanmoins un attrait que je ne trouve pas ailleurs, et non des moindre : le plagiste.





Depuis quelques années mes pater et mater avaient décidé d'abandonner les étendues sauvages pour une plage privée aux matelas bleus et blancs qui faisaient payer un prix non négligeable aux vacanciers le droit de se reposer sur ses mètres carrés.




Ce choix que je trouvais initialement ridicule trouva tout son intérêt à la vue de ces éphèbes à la peau caramélisée.

Depuis, je ne me lasse pas ce passe-temps inépuisable.

La plage, c'est fait pour se reposer l'esprit, et pour cela, on a rien trouvé de mieux pour la gent féminine que de regarder les plagistes vaquer à leurs occupations.

Manifestement recrutés sur critères purement anatomiques, ils défient tout principe de non discrimination à l'embauche, pour le plus grand plaisir de la clientèle féminine. Chaque année, la tenancière de ce zinc sur pilotis use manifestement d'un délit de faciès assumé pour accueillir de nouveaux bras forts et bronzés au sein de son équipe.

Dès lors, il convient de mettre de côté tout principe masculiniste que l'on pourrait opposer à ce genre de préoccupations.


Les plagistes ne sont rien de plus que ces serveuses affublées d'oreilles de lapin pour attirer le chalant.


Je me sentais, en les regardant, l'âme d'une esthète. Ou d'un beauf la langue scotchée à son pastaga et les mains à son FHM.



Cependant, il faut avouer qu'on ne leur demande rien de plus qu'incarner le précepte "sois beau et tais-toi".

Affalée sur mon matelas, je les regarde aller et venir, et, la perspective aidant, les imagine se promener sur mon bras à peine doré, telle cette sorcière bukoswkienne qui rétrécissait les hommes pour mieux se les approprier.

Je me plais à admirer cette virilité limitée à l'aune des matelas.


Ce grand blond qui saisit les transats comme on saisirait une planche de surf, si bien que je m'étonne presque de ne pas le voir enduire ces derniers de wax avant de les soulever à la façon d'un culturiste suédois et de les empiler les uns sur les autres.


Ce Robert Teriitehau made in Alès qui plante les pieds de parasols dans le sable comme un athlète grec planterait de colère son javelot dans l'arène.


J'oubliais alors mes attirances pour l'intellect, la discussion, et le charme, pour m'en tenir à une attraction bassement primaire et platonique envers cette émanation testostéronique badigeonnée de monoï, ces cheveux méchés voire décolorés, et ces tatouages tribaux à la signification nébuleuse.


Ces caricatures de surfers portant la dent de requin en pendentif sont probablement étudiants en attente de passer tel concours administratif catégorie B, mais ça, je ne veux pas le savoir. C'était d'ailleurs la raison pour laquelle la plupart du temps je ne leur adresse pas la parole, afin de les maintenir dans mes illusions fantasmagoriques d'apollons des bords mers à la coolitude permanente. Au contraire de ces clientes qui vivent manifestement très bien l'absence de leurs maris partis chasser pour ramener de quoi remplir leur sac de plage griffé ou ayant succombé à la canicule.


Des "Thomas, voudriez-vous m'apporter un café vous seriez adorable" par-ci, "Yannick, pourriez-vous redresser mon parasol. Vous êtes absolument charmant!" par-là, elles se battent telles des adolescentes en chaleur pour les faveurs de ces adonis mielleux, quand elles ne tentent pas de placer leur dernière petite fille auprès de leur nouveau gendre idéal, qui sert le rosé et installe les matelas comme personne.

Mille choses pourraient faire qu'à Palavas comme dans ma petite station, les bords de mer me désespèrent, comme dirait l'autre.


Cette agglutination de juilletistes auxquels se succèdent les aoûtiens dans un balai immuable, qui me font regretter le temps de l'Espiguette et de ses plages sauvages. Ces vacanciers qui ne peuvent s'empêcher de gâcher ma sieste avec leurs sonneries de smartphone, tout ça pour les entendre loghorrer pendant une demi-heure sur la réalité des prévisions d'Evelyne Dhéliat, le menu du barbecue du soir et l'arrivée prochaine de leurs enfants. Ces caravanes qui déversent leurs milices de jeunes en polos bleus, qui viennent vous offrir préservatifs et tongs aux couleurs de leur parti préféré - oui, ces fameuses tongs qui laissent la marque du logo d'un mouvement pop' sur le sable. La plage, c'est fait pour y laisser les empreintes d'un coeur transpercé d'une flèche, ou de son prénom, ou de n'importe quoi d'imaginatif. Non, grâce à eux, entre deux étals de fruits et légumes, on peut agrémenter notre marché d'échos de crise et de récession.

Heureusement, il y a le ressac de la mer. Les odeurs de paëlla au retour de plage. Et les plagistes.


Un petit plaisir parmi tant d'autres sur les plages méditerranéennes, au même titre que les voix lointaines entonnant "Chichis, chouchous, beignets, à la glace à la glace".

L'été, je me contente de plaisirs simples.

Le dernier jour, je m'étonnais de voir parmi les habitués un couple de comédiens relativement télévisuels.

Diantre, il ne manquerait plus que la petite station familiale soit désormais assaillie de people lassés des paparazzades.

Si Jean Roch rachète la paillote, je ne réponds plus de rien, laissez-moi s'il vous plaît mon havre de paix familial et ma vue privilégiée sur ces Beach Boys bands.


Une fois revenue sur le bitume, je racontai la scène à mon belge théâtreux préféré - dont vous entendrez certainement parler dans les prochaines années, si ce n'est dans les prochains mois, j'en fais le serment. Nous commençâmes à imaginer le tableau transposé en Mer du Nord. Une grande scène en perspective. Si vous le voyez au hasard d'une scène, contant les péripéties d'un plagiste à Ostende, pensez à ce taxi-boy balnéaire qui se lèvera demain matin à 7H, pour mettre en place ses matelas.


La vie n'est pas aussi facile que l'on croit pour les tablettes de chocolat qui font fondre les starlettes en culotte Tena.


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