mardi 27 octobre 2009

"Heureux soient les fêlés, car ils laissent passer la lumière" - I : Versailles, Rive Gauche.


C'est par cette phrase d'Audiard, postée par l'un de mes contacts virtuels - et je l'en remercie de me l'avoir rappelée à l'esprit - que je m'installais devant mon ordinateur pour une nouvelle journée de labeur.


Après une brève recherche infructueuse pour tenter de retrouver l'origine de cette pensée, je me rendis compte que nombre de blogueurs la reprenaient plus ou moins à leur compte. 

Je ne ferai donc pas preuve aujourd'hui d'originalité et tomberai sans doute dans une chronique de zinc.

Mais qu'importe, un ancien billet d'une autre blogueuse - je reviendrai à elle dans le billet suivant - m'avait donné envie de semer quelques mots épars sur ce blog en déshérence, et cette citation m'était soudainement apparue comme le fil rouge que je recherchais pour mes prochains écrits vains.


Et me voilà rentrant du bureau, démarrant un billet au quart de tour dans le RER, avec les moyens du bord, un minuscule écran tactile qui tente de contenir mes pensées debordantes, comme ce petit carnet que je traîne toujours avec moi au fond de mon sac de fille jamais assez grand pour renfermer le fatras d'idées qui s'amoncellent dans mon esprit éparpillé. 


Je reprends donc le chemin de ce blog après avoir comme souvent joué les agence touristes, dernière chance au dernier moment quand le RER s'apprête à partir et que vous tentez de rejoindre Notre Dame, les Invalides ou la Tour Eiffel qui joue en ce moment les bandits manchots de ferraille, étincelants de diodes polychromes, lui donnant des faux airs - non déplaisants - de Foire du Trône.


Je dois avoir une tête avenante pour me retrouver si souvent à orienter les touristes perdus et aimanter les relous made in métro and RER.


RER dans lequel je rencontre tant d'insensés qu'ils pourraient remplir un blog à eux tout seuls.


Il n'y pas très longtemps, je renseignais une famille d'australiens sur la raison d'un stage découverte forcé et matinal en station de Chaville Vélizy. Quand je leur expliquai qu'un malheureux avait certainement dû se jeter sur les rails (voir article précédent, sur le suicide matinal et ferroviaire qui nous empêche d'aller travailler), l'une des têtes blondes m'interrompit :

- Mais, il n'est pas mort, n'est-ce pas?

Et mon cynisme habituel ne put que laisser place à un :

- Nooooon, bien sûr que non. Les secouristes font un travail formidable aujourd'hui. Ca devrait aller - ne pouvant m'empêcher de visualiser, dans le même temps, l'équipe chargée de ramasser les reste de ce pauvre désespéré éparpillé aux quatre coins de la voie ferrée.

Le père de la petite m'accorda un sourire soulagé et reconnaissant de lui éviter un bon millier de questions sur le chemin du retour commençant pour la plupart par "Mais pourquoi".


Nous rentrâmes donc dans la rame bondée de touristes étrangers, quand un filet d'insanités vînt heurter mes oreilles : 

"Aaaah la bonne espagnole... Elle aimait ça la salope." 

Je me retournai pour me retrouver face a une frêle quinqua made in Versailles, que l'on aurait facilement imaginée jouer dans des publicités Maman Gâteau. Par intermittence, elle assenait en boucle des paroles salaces les yeux fixés dans le vide avec un sourire étrange, mi-béat mi-pervers. Curieux personnage à mi-chemin entre Marielle Le Quesnoy et Linda Blair dans l'Exorciste. Je ne rapporterai pas ici le détail de ses propos, mais je puis préciser qu'il était fort heureux qu'aucun "bougnoul", "nègre a grosse bite" ou moine ayant fréquenté Sodome et Gomorrhe ne se trouvât dans ladite rame. 


On ne s'ennuie jamais dans les transports en commun.


Ainsi il y a deux semaines, ce jeune homme qui monta dans la rame uniquement parce qu'il me trouvait mignonne, "s'te plé". 

- Hey, j'étais sur le quai là, je te trouvais mignonne alors j'suis rentré.

- ... [Ouais moi aussi je fais ça quand je flashe sur un type, hop, je saute dans sa rame, son taxi ou son ferry].

- Tu vas où?

- [Dans ton...] Ben comme tout le monde ici [abruti] puisque tous les trains vont au même endroit.

- Et tu fais quoi dans la vie?

- A... Secrétaire... assistante... stagiaire... intermittente.

- Cool

La discussion à sens unique continua ainsi jusqu'à ma station Et comme il était entré pour me voir, il ressortit pour le même motif, tenant à me raccompagner à ma prétendue réunion d'assitantes secrétaires stagiaires. J'étais en bas de chez moi, et il était temps que je m'en débarrasse alors qu'il me précisait que ce n'était pas parce qu'il avait un canif qu'il était dangereux - ces procureurs décidément, quel manque de compréhension! Un petit détour pour le semer et j'étais enfin en sécurité dans mon hall. 


Le lendemain soir, deuxième candidat. Il s'installe face a moi et me regarde d'un air interrogatif avant de se lancer : 

- Pascale?

- Euh non...

- Vous etes sûre?...

- [Attendez je réfléchis...] Plutôt oui.

- Non parce que vous ressemblez terriblement à Pascale mon éditrice.

- Haaa. Ben oui mais non.

- Donc si je vous demande de corriger mon livre vous ne le ferez pas?

- Ben non puisque je ne suis toujours pas Pascale et que je ne suis toujours pas éditrice.

- Rah c'est emmerdant ça parce qu'il doit être corrigé et j'attends toujours.

- Ha. Peux rien faire pour vous.

Quelques inepties de présentation plus tard - il m'avait entre temps précisé avoir étudié le droit à Seattle (qu'il prononça Siaadlllllleee et non Siateul) nous en revenions à son ouvrage.

- Non parce que vous savez, mon bouquin doit être corrigé parce ça bon ben on est obligé, mais il est déjà extrêmement bon y a rien à changer.

- Je n'en doute pas. [Ce quadra devenait de plus en plus intéressant, malgré lui].

- Parce que bon après faut penser à l'adaptation pour les Etats-Unis, et puis à l'adaptation cinématographique.

- Normal. [Woody Allen bosse d'ailleurs sur l'adaptation de mon blog].

- Mon roman s'appelle attention... l'amour dans la folie, vous voyez le truc.

- Ha oui je vois bien. [L'amour. La folie. Jonathan. Jennyfer. Les justiciers milliardaires].

Non mais pas l'amour A la folie hein, ou l'amour DE la folie, l'amour DANS la folie.

- Oui oui, j'ai bien compris l'idée.


Un peu plus tard, il me félicitait de la profession que j'exerçais :

- Ben vous voyez, là j'ai envie de vous dire "Mazel Tov". C'est un truc de juif.

- [Merde, moi qui avait toujours cru que c'était du basque et que l'étoile de David en 4 par 3 autour de ton cou c'était un accessoire bling bling de caillera]. Ha, ben merci.

- Vous êtes mariée?

- ... hum oui

- Je sais bien que c'est pas vrai,  mais portez une fausse alliance, ça empêchera les types comme moi de poser ce genre de questions à des nanas comme vous.


Note pour plus tard. Porter une fausse alliance qu'il conviendra de retirer en hâte dans le cas où c'est moi qui voudrais jouer les relous du métro face à un beau jeune homme avenant. 

Je prendrai aussi mon canif. Au cas où.


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