mercredi 22 avril 2009

Train n° 8672 en provenance de Paris Montparnasse





"Bonjour, bienvenue à bord du train n° 8672 en provenance de Paris Montparnasse, et à destination de Brest.
Ce train desservira : Le Mans, Laval, Rennes, Lamballe, Saint Brieuc, Guingamp, Plouaret-Trégor, Morlaix, Landivisiau, Landerneau, Brest.
Nous vous rappelons que des services de restauration vous attendent en voiture 4 et 14."

Dix minutes plus tôt les derniers passagers se pressaient pour trouver leur wagon à temps.
Je surprenais, amusée, une famille dont toutes les têtes blondes arboraient cirés jaunes et bottes Aigle.
Sans doute imaginaient-ils, en quittant la capitale, arriver à même la gadoue, la gadoue, la gadoue.

Je repense à cet ami qui m'avait un jour demandé si nous avions des bibliothèques municipales convenables chez nous.
C'est vrai que nous sommes assez limités.
Tout au mieux avons-nous un exemplaire des Misérables et quatre histoires du Club des cinq qui se battent en duel sur les étagères d'une petite salle jouxtant la mairie.

Les régions sont incultes, c'est bien connu.

Entre ici Jeff Koons, avec ton terrible cortège de Ciccioline et de chiens en ballons de baudruche, il serait dommage que la ville des rois se prive de toi.

Comme le disait si bien ce jeune homme assis derrière moi dans ce café lounge de Bastille, "de toute façon tout se passe à Paris. Culturellement parlant, il faut admettre que le reste, ce n'est que du vide". Entièrement d'accord, ce n'est pas comme si les Transmusicales, Avignon ou Jazz in Marciac faisaient dans l'innovation.

Des Abattoirs de Toulouse au musée d'art contemporain de Marseille, en passant par Lille et les diverses FRAC de France et de Navarre la Province est clairement fruste et primitive.

Paris je t'aime, mais ce soir je te quitte, je rentre chez ma mère.

Tu me fais chanter, tu me fais danser, tu me présentes à tes amis.
Mais parfois tu me fatigues, j'ai besoin d'air.

Le train s'apprête à démarrer; je m'installe.
Près de moi un professeur sort déjà ses copies relevant d'une matière qui m'est totalement inconnue.
Probablement enseigne-t-il dans un établissement professionnel, tant mes vagues souvenirs de cours de technologie ne daignent pas m'aider à décrypter les hiéroglyphes qui me font face.

Tout va pour le mieux. Le soleil pose ses rayons sur les champs verts et or qui défilent devant mes yeux.
Je rentre chez moi, là où l'horizon s'offre sans obstacle, là où le silence m'entoure de sa généreuse ouate le matin, là où il n'y a plus de quartier, d'heure de rendez-vous, là où on sert le café sur une bête nappe à carreaux jaunes et blancs, là où on m'appelle "à table", là où tout paraît si simple, comme on l'avait laissé avant de partir.

La cuisine, ce lieu de réunion inscrit dans le gêne humain.
Une tradition, à la fois sénat et cénacle.
Ici se prennent les grandes décisions, ici se jouent les grandes disputes au devant du pater familias.
Dans les appartements, c'est là que s'organisent les contre-soirées lorsque le son du salon pulse trop fort.

N'avoir pour seules voisines que des vaches blanches et noires, sur lesquelles tombent la pluie.
Comme seul bruit la nuit que celui des chouettes qui hululent, des souris et le son de la pendule.
Le silence, le vrai.
Le noir complet.

J'en aurais oublié qu'il y avait des étoiles. Certes tous mes soirs citadins j'avais une vue imprenable et illuminée. Mais je n'avais plus ces petites diodes là, Syrius, Cassiopée et autre Orion. La voie lactée m'était invisible. Que savais-je d'ailleurs de toutes ces constellations, absolument rien, sinon qu'elles étaient là. Elles seules procuraient ce sentiment d'infini, contrairement à l'horizon coupé du ciel parisien. L'horizon. Je ne le voyais plus. L'horizon des plaines, des arbres et des routes de campagne. Le littoral, la ligne lointaine qui sépare le gris de la mer et le bleu du ciel. Les rochers dont l'équilibre semble si instable.

Cette mer fraîche, exigeante et lunatique, en opposition avec cette mer chaude, sereine et douce que j'aimais tout autant.


Dans quelques semaines je prendrais un autre TGV, qui m'emmènerait dans ce jardin méditerranéen où jadis je faisais des courses de carriole à cheval.
Je reverrai alors les ocres et les rosés.
L'herbe jaune qui elle aussi, a bercé mes étés.

"Fini le ciel gris, les matins moroses, on dit qu'à Toulouse les briques sont roses"...
Une petite exposition était ouverte, à deux pas de la place du Capitole.
Elle ne faisait pas dans l'emphase, ne s'affichait que peu, loin des heures de queue nécessaires aux expositions du Grand Palais.
Nous sommes en plein milieu d'après-midi, il n'y a personne.
Le timbre de Nougaro seul nous guide, cette voix dans laquelle roule un torrent de cailloux.
Cette voix qui vient chercher mon palpitant et solliciter mes glandes lacrimales.


Un jour vous avez tout quitté. Telle Michèle Torr délaissant sa salle des fêtes provençale vous avez laissé derrière vous parents, famille, amis et peluches sur le lit.

Paris, nous ne vieillirons peut-être pas ensemble.

Tu me dis que tu connais ces sols que j'ai foulé.
Que tes week-end se font malouins, niçois ou biarrots.
Alors tu ne connais encore rien.

Rien de ces plages recluses, de ces villages perdus, de ces écoles qui peinent à demeurer ouvertes, de ces routes de campagne sur lesquelles passent quelques rares mobylettes, de ces volets qu'on ouvre sur une maison qui sent le renfermé.

J'irai là où les déjeuners en terrasses s'éternisent toute une après-midi, là où l'on sent bon le fumé des cheminées des hameaux quand vient l'hiver, là où, le week-end venu, je peux enfoncer mes pieds dans un sable qui vient me chatouiller jusqu'aux chevilles.


Me revoilà de retour, en face de ce troquet dans lequel les lycéens que nous étions s'attardaient.

Autour de moi, beaucoup d'étudiants qui quittent le quai unique de la petite gare pour rejoindre leur chambre de cité universitaire.
J'ouvre ma tablette et y pose mon portable. Je suis incorrigible, les trains m'inspirent inlassablement. Je ne peux m'empêcher, à chaque trajet, de jeter quelques idées sur un fichier. Quelques idées, parfois des pages entières, des strophes qui deviendront billet ou autre écrit vain.

Le train, c'est quelques heures entre deux mondes.
Entre ce que l'on laisse et ce que l'on n'a pas encore atteint.

Montparnasse.
Je suis en bout de quai. Ma rame est tellement lointaine qu'il me faut dix minutes pour atteindre la gare elle-même.
Et je me pose, à peine arrivée chez moi, à ce poste indéfectible, cette fenêtre à laquelle je me suis tant accoudée déjà. Le temps passe différemment ici. Ici les gens vous rappellent qu'il faut courir, toujours plus loin, toujours plus vite. Ici je culpabiliserais presque de ne rien programmer, et de passer ma journée chez moi.

Je m'ennuyais un peu de toi, alors je suis revenue.




2 commentaires:

  1. héhé. Je me reconnais par endroit. Par contre... comment fait tu pour t'ennuyer de Pâââriiiis ? :)

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  2. Hehe, comme je fais souvent mon ermite quand je rentre ce sont surtout mes potes qui me manquent au bout d'un moment :)

    Et puis, Paris reste d'une certaine façon une amante que je sais que je n'épouserai jamais, je me dis que plus tard, quand je me poserai vraiment, je partirai, mais pour l'instant je m'éclate avec elle, et puis il faut admettre qu'elle est sacrément jolie ;)

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