mercredi 11 mars 2009

"My shoes please"



Je romps avec la tradition de ce blog pour mettre de côté toute considération littéraire et évoquer en quelques brèves lignes une aventure tout à fait inédite pour moi : l'immixtion en pleine fashion week.

Jusque là elle se réduisait, en ce qui me concernait, à feuilleter les pages mode des magazines féminins en regardant toutes ces pièces inabordables et bien souvent importables.
C'était le Paris des acheteuses étrangères qui se précipitent aux défilés Chanel et Balenciaga, les tendanceurs qui font la saison deux ans à l'avance et les tapis rouges de festivals de cinéma.

Bref, un monde dans lequel je n'avais pas plus vocation à mettre les pieds que Anna Wintour aux prud'hommes de Meaux.

Seulement voilà, en fin de semaine dernière une amie m'appelle pour que je la remplace au pied-levé. Chaque saison, ils font appel à elle pour donner un coup de main aux habilleuses pendant le défilé. Le job est tout simple, il s'agit d'être sur place un peu plus de trois heures, pour 15 minutes effectives de travail.

Elle me briefe rapidement sur les deux créateurs allemands et leur petite équipe,  l'affaire paraît simple : aider les pauvres mannequins à enfiler leurs souliers de vair et à être les plus belles pour aller parader.

Je ne pouvais qu'accepter, à défaut d'avoir mon carton d'invitation aux derniers défilés Chanel, Mc Cartney ou Chloe j'allais passer une demi-journée en plein cœur d'un fashion show.

Mardi soir, j'arrive donc dans un petit appartement du IIème arrondissement, la porte est entrouverte.
J'entre, une fille filiforme vêtue de son unique string enfile une robe. Je suis au bon endroit.
Un homme me demande qui je suis, je me présente et demande un certain Ralf vers lequel on me conduit. Je me suis rendue compte après coup que celui que j'avais pris pour un portier-personal-assistant était en fait un des créateurs en personne.

Alors je me pose là, sur un pouf, et regarde la jeune mannequin enfiler et désenfiler les tenues une à une, puis aide à mon tour à passer celles dont j'aurais la charge le lendemain.

La mannequin, au nombril de laquelle je peine à arriver, se plaint d'être un peu trop ronde, on ne peut pas fermer les robes sur elle. Il faut avouer qu'elle pèse au moins treize kilos.

Voilà, j'ai été briefée, je peux repartir vers mon antre.

L'air de rien, il s'agit de changer en 30s de tenue, boucler les boucles des chaussurez, zipper les fermetures éclair des robes, épingler les broches sans heurter le modèle.

Le lendemain, rendez-vous sur le pont à 7H30.
L'avenir appartient aux lève-tôt.
On me remet un badge avec mon nom en lettres argentées. Le genre que eux vont jeter à la sortie mais que je vais conserver précieusement dans le coin d'une boîte remplie de choses inutiles.





Je passe par la salle où aura lieu le défilé pour rentrer dans les backstages, déjà remplies de tout un petit monde qui s'affaire. Les coiffeurs épinglent, lissent, crantent. Les assistants papotent. Les habilleuses attendent. Les deux créateurs stressent en voguant d'un coin de la salle à l'autre.
Les photographes multiplient déjà les clichés.

8H30. Petite répétition.
Vite, un coup de main aux mannequins pour enfilage rapide de chaussures.

Puis re-attente. Re-café-jus-de-chaussettes.

Evidemment, la jeune femme à qui j'ai servi d'habilleuse la veille ne me remet pas, il faut dire que je faisais un peu partie des meubles pour elle.

Une jeune mannequin brune au teint de perle semble hanter la salle, son regard se perdant au fur et à mesure de ses pas.

9H20, la tension est palpable, tout le monde s'active.
Je me tiens à mon poste avec ma partenaire d'habillage, espérant que j'arriverai à agrafer les robes en temps voulu : il serait dommage que l'une des jeunes filles perde ses étoffes sur le catwalk par ma faute.

Les premières robes sont enfilées.
Si certains modèles discutent avec ce qui leur sert de staff, la plupart présents ce jour ne posent pas un regard sur nous, modestes quantités négligeables.

Une mannequin s'approche.
Un seul mot sort de sa bouche : "Shoes!".
Nous nous précipitons à son secours, n'étant pas trop de quatre à ses pieds pour que tout soit en place au plus vite.

9H30 c'est parti.
Mon mannequin attitré est déjà devant moi, je termine de l'apprêter, avant passage des coiffeuse et maquilleuse, puis avalisation par l'assistant de la maison en France et enfin par l'un des créateurs.

Elles sont parées, telles des petits soldats d'un mètre quatre-vingt, à entrer sur le podium.
Je m'effraie de la faillibilité des pinceaux qui leurs servent de jambes sur leurs talons de 15 cm.
Trois minutes plus tard mon mannequin revient, il s'agit de la dévêtir prestement (oh combien de mains masculines auraient voulu être à ma place à ce moment) pour la revêtir aussi vite.

Alors on dégrafe, dézippe, ôte pour ré-agrafer, rezipper, réépingler.
Re make-up, re-coiffage, re-checking.

Dernière robe. Nous ne sommes pas trop de deux pour nous affairer.
Sertie d'une centaine de pierres et strass et s'évaporant en une longue et lourde traîne, elle nécessite une certaine agilité.

Je me prends à rêver de disposer de toutes ces attentions tous les matins : quelqu'un pour me choisir ma robe, un autre pour me coiffer, un autre encore pour me maquiller.
Un petit bonheur simple.

C'est le moment du bouquet final de fourreaux, sarouels et autres tuniques.

De l'autre côté du rideau on applaudit, le couple de créateurs entre en scène, on applaudit en coulisses aussi. Ils reviennent, tout le monde s'applaudit, tout le monde s'embrasse, tout le monde est formidable et a fait du bon travail. C'est beau la fashion week.

Quelques clients potentiels viennent ensuite jeter un rapide coup d'oeil sur ce qu'ils achèteront pour la saison automne-hiver 2009-2010.

C'était aussi simple et rapide que ça. Beaucoup d'attente, puis de l'ébullition de quelques minutes et des applaudissements, avant de retrouver la vie normale et de retourner derrière les pages de Cosmo.


3 commentaires:

  1. "Un petit bonheur simple" simple vraiment ?

    Sinon c'est quoi cette histoire de fou ? Tu oublies de nous dire le plus important ! Comment tu t'es retrouve embrunguee la dedans !?

    RépondreSupprimer
  2. Le petit bonheur simple était à prendre au second degré bien sûr.
    Et je me suis retrouvée là en remplaçant au pied levé une copine qui file un coup de main sur ces défilés à chaque saison et avait un empêchement ce coup-ci.

    Mais tu as raison, je vais rajouter un petit paragraphe :)

    RépondreSupprimer
  3. La fashion week, un de mes rêves. Bon tu n'as pas défilé comme Carrie mais quand même, tu as participé à cet évennement magique !

    RépondreSupprimer