jeudi 27 août 2009

PETIT BILLET DU MIDI JOLI


Une fois n’est pas coutume, je vais faire un peu de promotion sur ce blog.
Pas pour moi, on s’entend, mais pour certains talents encore un peu trop cachés à mon goût.

C’est sans doute une de choses qui me fait apprécier de vivre ici, pouvoir sortir du boulot et le soir, rencontrer des scénaristes inspirés, des baladins facétieux ou encore des rockeux au cœur de pierre qui roule.

Alors cliquez sur "Log out", et sortez un peu, oubliez vos amis virtuels quelques heures.

Notez, je n’ai rien contre, prenons-le au hasard, Mark Daumail, bien au contraire, avec qui j’entretiens autant de relations qu’Elton John avec une Pussycat Doll en string.

Vous me direz, quel est donc l’intérêt d’avoir accepté la moitié de Cocoon dans son réseau facebook ?

Aucun. Sinon d’apprendre que hier, il a mangé de la pizza 4 fromages, déclenchant par la même une vague de réactions admiratives telles que :
- Quel choix judicieux, tu as raison, la quatre fromages c’est vraiment la meilleure.
- Lol.
- Mdr.
- Triple lol ptdr puissance 4.
- Si tu veux, je m'apporte en dessert.

Et je peux ainsi découvrir, heure après heure :
Mark Daumail est malade.
Mark Daumail mangera une pepperoni finalement.
Mark Daumail mangera une pepperoni devant bonsoir les zouzous.
Mark Daumail aime les gros seins.
Mark Daumail mangerait bien une pepperoni sur le dos de Samantha Fox.
Mark Daumail va faire pipi.

Inutile de préciser que le dernier statut donnera également lieu à une myriade d’interventions toutes plus pertinentes et spirituelles les unes que les autres telle que : "C pas vré moi aussi C ouf lol mdr kikoo lol et tu fais combien de mètres ?"

Au passage, Cocoon m'a fait me rappeler pourquoi je n'écoutais plus la radio.
Parce qu'entendre dans la voiture l'intro de Chupee seize fois dans la même journée à chaque changement de station, ça a le don de me faire abhorrer tout enchaînement de Sol-Mi mineur-Si mineur au ukulele pour un moment. A croire que broadcasteurs n'ont pas encore compris qu'il n'était pas bon pour la musique de l'user jusqu'à la lie, au risque de produire l'exaspération chez l'auditeur jadis sous le charme. I guess I should take off. Un bel exemple : Le sublime Hallelujah de Buckley, parachuté titre mainstream, le scotchant dans le lecteur mp3 de prépubères qui n'ont aucune idée de qui peut être Leonard Cohen.


Bref, je m’éloigne du sujet de ce billet.

Je n’évoquerai pas les Make The Girl Dance, qui n’ont plus besoin de publicité depuis qu’ils ont transposé mon DJ chez les nudistes rue Montorgueil.

J’ai déjà eu l’occasion également de vous parler de
Nerval et de ses talents d’écrivain (allez lire ses chroniques londoniennes ou encore ses billets made in USA), ou encore de Colin, dont le long-métrage, Ouvert 24/7, sortira très prochainement sur les écrans.

Je peux en revanche vous conseiller d’aller voir Tailleur pour Dames.
Vous y verrez Henri Six, ma petite perle belge, qui porte littéralement ce Feydeau – or, je ne suis pas très cliente de Feydeau. Faites-moi confiance, il va devenir une référence!

Et puis ensuite, je vous envoie rencontrer La Mort en échec.
Il était une fois Caroline Anglade, une jolie blonde pleine de peps (en alternance avec Marie Lelong, tout aussi pepsy) en froid avec Franck Jouret alias son bêcheur de mari. Il ne voulaient plus du tout vivre heureux et en aucun cas avoir d'enfant, chien ou 4x4. Il était une fois La Mort (prénom : La , nom : Mort), jouée par un certain Florent Chesné vrai performer déjanté et électrique, en alternance avec Rui Silva, tendre benêt à la faux pas vraiment brute. Il était une fois une étrange soirée orageuse, qui va mettre sur la route d'un couple à la dérive une Mort complètement allumée. Foncez, et vos abdos vous remercieront de cette séance de rire non-stop!
Tout cela dirigé par le non moins talentueux Olivier Maille, auteur-metteur-en-scène-emmerdeur devant l’Eternel, Eternel dont il sera d’ailleurs sujet dans une autre de ses pièces qui revient à la rentrée,
Sortie de route, où vous pourrez rendre visite à un Saint Pierre Khorsand complètement allumé, extra-terrestre auréolé sous LSD , également à surveiller de près car croyez-moi, tous ces jeunes et beautiful people iront loin !


Et puis quand vos oreilles auront soif de musique, vous pourrez aller écouter le petit Jérôme Lifszyc
, compositeur-arrangeur musical et interprête de talent, un peu dingo, un peu d'Ingres, surveillez son myspace !





Une fois rentrés chez vous, reposez vos mirettes sur le verbe de la pétillante
Pénélope, reine du jeu de mot et nouveau talent des ondes !


Enfin, endormez-vous au doux son de
Darko Fitzgerald, qui s’est offert le luxe, excusez du peu, de jouer les ambiances sonores du dernier clip de promotion Louis Vuitton.
Fermez les yeux, et écoutez cette douce brise qui semble venir du mouvement d’une balançoire un soir d’été. C’est léger, c’est délicat, c’est chaud, c’est Darko.



vendredi 7 août 2009

Wait, they don't love you like I love you II : on dirait le Sud

Il y a quelques temps, j'avais posté un extrait de Silveree, ou les aventures en cours d'écriture d'un jeune étudiant à la recherche de gloire et d'estime qui rencontrait sur son chemin plusieurs personnages tâtonnant dans leur introspection, et notamment Matisse, ancien rockeur pour midinettes aigri qui recherchait le sens de sa gloire passée.

Je narrais le jour où Matisse avait décidé de quitter subitement les paillettes de sa vie pour retourner à ses racines méditerrannéennes.

Comme j'ai fortement besoin de vacances, et qu'il fait gris aujourd'hui sur la capitale, je vous propose la suite de ce chapitre, qui nous emmène de nouveau du côté des marais salants et des arènes romaines...


"[...]
Plus tard Matisse passa devant une bonne dizaine de bars. Dans certains, il avait mangé des glaces avec son grand-père. Dans d’autres, bu des pressions avec ses camarades de lycée. Dans d’autres encore il avait dragué les soeurs de ses copains. Dans d’autres enfin il avait joué. Avec un groupe fait de bric et de broc, d’anciens copains de lycée, de percussionistes rencontrés au hasard de la fac, de guitares bon marché. Il s'arrêta devant "le Prolé", point de ralliement incontournable de ses jeunes années. A l'époque ls croyaient en eux. Ils avaient leurs groupies qui les suivaient. Bien sûr, elles n’étaient pas aussi nombreuses que lorsque Matisse devînt Silvery, mais elles étaient fidèles. Ils tournaient pas mal au final dans la région. Que serait-il advenu de lui s’il avait continué cette vie là? Sans doute auraient-ils continué les concerts pendant un temps, puis de moins en moins fréquemment, mais ils auraient toujours trouvé des soirées pour jouer ensemble. La batterie bon marché lui manquait. Les groupies locales aussi. Il était 23H et Matisse était assis sur le rebord de la fontaine, place du Marché. Il se regardait dans le reflet de l’eau. Le crocodile qui lui faisait face, insensible à son désarroi, ne semblait vouloir verser aucune larme pour lui. Le reptile semiaquatique, dont les années n’avaient pas terni les liens qui le tenaient attaché au palmier qui le surplombait, lui rappelaient que lui était libre, que rien ne l’empêchait d’abandonner définitivement sa prison dorée. Alors, pour la première fois depuis plusieurs années, Matisse pleura.

Le lendemain, Matisse décida de racheter la maison familiale. Elle avait été vendue à la mort de son père à un couple britannique, qui cherchait un point de chute pour ses vieux jours. Les séniors d’Albion consentirent à lui laisser leur bien pour trois fois le prix qu’ils l’avaient acquise, une affaire pour eux. Mais Matisse n’en avait cure, ce qui importait pour lui était de récupérer la maison le plus rapidement possible. Il avait rapidement remercié le premier agent qui s’était occupé de placer ses revenus pour prendre les rennes de la gestion de ses entrées d’argent, et avait alors vu son capital augmenter rapidement. Cela lui aurait permis d’acquérir sans difficulté une villa à Porto Cervo, mais tout ce qui lui importait était de retrouver le jardin dans lequel il avait joué. Dans l'après-midi, il se rendit au cimetière de Saint Baudile où ses grands parents étaient enterrés. Il aimait le calme de cet endroit, les cyprès florentins et les pins parasols qui protégeaient de leur rassurante silhouette le repos des résidents. Alors qu'il se dirigeait vers la tombe de ses grands-parents, il croisait quelques maigres félins qui avaient fait de cette nécropole leur domaine. Il se demandait si la vieille dame qui venait les nourrir était toujours en vie. S'il quelqu'un se souciait toujours de leur bien-être. Une étrange harmonie s'était scellée entre ces minets de gouttière et les trépassés. En rentrant, il repensa à El Nimeño II, ce torero qui s'était donné la mort, deux ans après qu'une blessure ait mis fin à sa carrière. Il vivait reclus et ne voyait plus personne. Parce qu'on lui avait enlevé la seule chose qui comptait pour lui.


[...]

Matisse se souvînt de ses jeunes étés passés sur la côte. Alors qu’il était encore étudiant, il jouait les plagistes sur sable de petites stations balnéaires, loin des grandes promenades de la Riviera. Il n’avait alors pas le physique traditionnel des jeunes éphèbes à la peau cuivrée qui plaçaient les matelas et servaient des sodas aux clients lézardant sur les transats. Mais il avait séduit la gérante par son charme naturel et son humour. De fait, il était finalement l’employé qui avait le plus de succès auprès de la clientèle féminine, une bonne plage privée devant une bonne partie de son succès commercial au charme de ses plagistes. C’était les femmes d’un certain âge qu’il préférait. Parce qu’elles arrivaient fin mai et ne repartaient que mi-septembre. Elles restaient là tout l’été, et se plaisaient à lui faire la conversation lorsque leurs enfants ou petits enfants n’étaient pas descendus en vacances chez elles. Elles se plaisaient à lui présenter leurs filles et à lui vanter leurs qualités. Il devenait le meilleur ami de leur dernier petit fils, toujours au fait des derniers jeux en vogue dans les cours de récréation. Quand le soir venait, alors qu’il ne restait plus sur le sable que des rangées de transats au plastique blanc nu et des pieds de parasols plantés comme une nuée d’épingles sur le bracelet d’une couturière, il faisait venir au bar quelques amis. Ils amenaient quelques bouteilles et refaisaient le monde devant la mer apaisée, face aux lumières des stations voisines. Il y avait souvent une guitare pour accompagner leurs soirées. Matisse chantait, improvisait sur l’air estival. Souvent, les membres de son groupe le rejoignaient et ils improvisaient un bœuf au son d’instruments de fortune. Parfois, des bandes d’adolescents qui faisaient des feus sur la plage, attirés par la musique, se posaient autour des barrières de l’établissement. Au fur et à mesure, de plus en plus d’amis d’amis venaient à ce qui devenait des soirées musicales semi-improvisées. Matisse et ses amis avaient lancé les beach parties version cheap. Ici pas de micro-stars, pas de DJ en vogue pour faire trépigner les pieds sur le sable. Simplement un groupe qui faisait tourner le bar au-delà des heures d’ouverture, deux soirs par semaine. C’est ici que Matisse avait été repéré, lors d’un casting sauvage. Il revoit encore l’homme aux petites lunettes ovales qui lui avait promis que s’il faisait de bons résultats dans son émission, il pourrait faire connaître son groupe. Matisse gagna l’émission, et les membres du groupe retournèrent à leur vie quotidienne, après quelques concerts.




Cela faisait plusieurs années que Matisse n’était pas revenu sur ces plages. Trop touristiques, trop voyage organisé pour comités d’entreprise. En posant le pied sur le sable de la petite station, il retrouva les sensations qu’il avait quand il se promenait, tard le soir. Rien que le son de la mer, calme et rassurante. Au loin, les notes déformées par le vent et le relief d’une chanteuse de karaoké. De l’autre côté des dunes il y avait ces groupes d’adolescents, qui attendaient l’ouverture de la petite boîte locale. Et ces filles, mini-starlettes dopées aux journaux people pour ados, qui les jaugeaient de loin, sous le contrôle des parents attablés devant un plat de moules-frites. Il apercevait les étincelles d’un des multiples feux d’artifice tirés tout au long de l’été. Et le son des bars, toujours déformé. Un peu plus loin que la chanteuse de variété, c’était un petit groupe qui jouait. Ils devaient être quatre, cinq au maximum. Ils reprenaient des standards, les tournant sauce folk. Ils devaient avoir l’âge de Matisse quand il avait quitté la région. Peut-être ce soir seraient-ils repérés par un agent. Peut-être ce soir leur destin se jouait-il sans qu’ils en aient conscience. Peut-être ce soir là Matisse aurait-il dû saisir leur chance de rester là, et ne pas rejoindre la course aux charts. Peut-être...







Il partit redonner à ses pieds le goût du sable et de l'eau. Il était près de minuit et la plage était déserte. Sans doute quelques couples s'étaient cachés dans les dunes pour s'étreindre à l'abris du regard de leurs parents. Il aimait la sensation de ce sable nocturne, ce sable froid et doux qui venait le caresser. Il aimait regarder cette mer calme, enfin apaisée des baignades de la journée. Elle semblait ne pas l'avoir oublié. L'eau a une mémoire, et Matisse avait besoin de s'y plonger. Alors il posa ses affaires et partit nager, seul, dans l'obscurité. Du bout de la digue, tout paraissait si petit, si insignifiant. Ces gens. Ces amis. Cette vie. Même la musique, cet art mineur qui avait dirigé une partie de sa vie. Il lui semblait que tout cela n'avait été que pécadille, qu'un jeu d'enfant duquel il était temps de revenir. Doucement, il s'enfonça dans les ondes ténébreuses et mélancoliques, et se laissa envahir par le silence[...]."

In Silvery






lundi 3 août 2009

Astrée et les Beach Boys


Beach Boys - I get around





Et après on va se demander pourquoi les gens sont sur la défensive à Paris.


Je rentrais bien tranquillement chez moi, après avoir néanmoins légèrement accéléré à la vue d'un individu qui m'avait emboîté le pas.

Alors que je refermai ma porte, celui-ci m'arrêta :

- Excusez-moi?
- [Hum, j'ai pas de thunes cherchez pas]. Mmmm? Dis-je d'un air frigide et peu convaincu.
- Est-ce que vous seriez intéressée par une relation?
- [Vous êtes sûr que vous préférez pas de la thune?]. Non [merci, sans façon, j'ai déjà dîné, mais c'est très aimable à vous de me le proposer. Vous êtes sûr que vous ne préférez pas de la thune?].
- Vous êtes sûre, vous ne voulez pas discuter un peu?
Mais qu'ont-ils tous ces inconnus qui veulent soudainement jouer les Arlette Chabot en fin de soirée devant ma porte?

Alors forcément quand, après avoir soigneusement refermé ma porte et bien engagé le clenche pour être certaine qu'aucun importun à la recherche d'une débat phénoménologique sur la la théorie de la fusion des liquides ne s'introduise dans mon hall, j'ouvrai la deuxième porte sur un autre inconnu qui attendait dans l'escalier, je ne pus m'empêcher d'étouffer un cri de surprise.


- Qu'est-ce que voul... hum pardon vous m'avez fait peur. Vous attendez quelque chose?

- Heu oui, l'ascenseur.
- Ha oui. Ca paraît logique étant donné que nous sommes devant un ascenseur [mais vous le l'attendez pas pour le bloquer et me violenter contre la grille, on est d'accord?].
Bon ben, je le prends aussi [Enfin je crois. Je vais peut-être attendre le suivant finalement].
Vous êtes nouveau ici?
- Non moi habiter ici depuis un an.
- [Hum... Vous avez vos papiers?]. Vous montez? [Non andouille, étant donné que nous sommes au rez-de-chaussée, il a sûrement son matelas à la cave].
- Oui, 5ème.
- [OK, un point pour lui, je ne connais juste pas la moitié de mes voisins de palier. Merci Paris.] Puis vous allez au 7ème?
- Non 16ème.
- Oui, mais vous habitez au 7ème?
- Ha oui! Je suis japonais.
- Haaaa vous êtes étudiant?
- Non je travaille.
- Ha... vous travaillez où?
- Dans un japonais.
- Ha [en même temps c'est logique, vous m'auriez dit que vous travailliez dans un grec de St Michel j'aurais eu du mal à vous croire].

Je ne suis pas méfiante de nature - quoique - mais vous m'accorderez qu'en l'espèce, c'était circonstancié.



Enfin, je m'éloigne de mon sujet de départ qui n'avait absolument rien à voir avec ces considérations et nous emmène bien loin de ces préoccupations de citadines parasitées par leur charme ravageur. Ou simplement poursuivies par des quidam qui accoupleraient leurs fluides avec n'importe quelle poitrine bipède.



Oubliez donc Paris, occultez pendant quelques minutes les bruits de tout ce qui roule sur rail, ou sur périphérique d'ailleurs.



Je vous emmène au pays des cigales, du basilic et du romarin, des marais salants et des dunes à pertes de vue.


Montpellier Saint Roch, 22H30.
Trois heures après avoir quitté une gare de Lyon bruyante et assenée de flux de parisiens qui partaient en week-end, j'allais enfin retrouver l'odeur des pins parasols et le calme d'un week-end régénérant bien mérité.
C'était sans compter la présence d'un petit groupe de cagolettes qui avaient pris place près de moi.
Parfois, il n'est nul besoin d'aller chercher des caricatures, des allégories du ridicule humanoïde.
Il suffit de regarder ces nymphettes et leurs gloussements, échanges de messages téléphoniques avec des Ben et Kevin (cela de s'invente pas) et opérations manucure express qui envahissent tout le wagon d'un odeur écoeurante de vernis.

Je restai indifférente, songeant à la dernière fois que j'avais interpellé une gamine qui était sur le point d'incommoder tout son voisinage avec sa french manucure. Je m'étais retenue, puis n'y tenant plus, l'avait arrêtéeà deux ongles du trouble de voisinage :


- Excusez-moi, mais cela vous ennuierait-il de faire cela plus tard, à cause de l'odeur?
- Ah? Vous êtes allergique?
- [Non, ça pue connasse]. Non pas du tout, mais j'ai peur que vous incommodiez votre voisin, l'odeur est assez forte.

Contrariée, la vernisseuse m'avait toisée d'un regard daidaigneux de profane qui ne comprenait rien aux diktats de la mode, et avait passé le reste du voyage à examiner agacée son unique ongle peinturluré.


Encore une fois je m'égare. Revenons-en à ce soir, où j'avais décidé que rien ne pourrait entraver cet état de zénitude qui ne devrait pas me quitter avant le lundi matin.



Ce week-end s'annonçait régénérateur.

Je le passais avec mes parents. Non il n'y a pas de rupture comique dans cette succession syntaxique. Le programme serait le suivant : mode no-smoking, 25cl de vin par repas au lieu de la bouteille entière, couchée à minuit dernier carat, et marches en guise de sortie crépusculaire - cette fameuse proposition, "On va faire un marche?", que j'abhorrais quand j'étais plus jeune, car elle était synonyme de longue promenade à la vitesse d'une tortue tétraplégique en suivant sagement mes géniteurs.


Les vacances en famille peuvent apparaître à première vue d'un ennui terrifiant.
Depuis quelques temps, et dans la mesure où lesdites vacances familiales se limitaient à un week-end prolongé, je les voyais néanmoins comme une opportunité de me forcer au repos. Pas de sortie, ce qui pourrait apparaître pour certains comme source de désespoir insatiable, mais me permettait de faire une cure de sommeil.

Il ne faudrait pas que cela dure plus longtemps, car plus de trois jours sans cuite, sans ami, sans inconnu à draguer, c'est long.

Car dès lors que je rejoignais ce petit port et ce mode de vie façon Madrague, je ne pouvais que me mettre en mode off drague.


De toute façon, dans ce petit coin de station balnéaire, il n'y a rien à draguer. On n'y trouve que des familles regroupées, et les seuls célibataires subsistants me feraient risquer l'agression sexuelle sur mineur de moins de quinze ans ou personne vulnérable de plus de quatre-vingt ans.


La plage trouve néanmoins un attrait que je ne trouve pas ailleurs, et non des moindre : le plagiste.





Depuis quelques années mes pater et mater avaient décidé d'abandonner les étendues sauvages pour une plage privée aux matelas bleus et blancs qui faisaient payer un prix non négligeable aux vacanciers le droit de se reposer sur ses mètres carrés.




Ce choix que je trouvais initialement ridicule trouva tout son intérêt à la vue de ces éphèbes à la peau caramélisée.

Depuis, je ne me lasse pas ce passe-temps inépuisable.

La plage, c'est fait pour se reposer l'esprit, et pour cela, on a rien trouvé de mieux pour la gent féminine que de regarder les plagistes vaquer à leurs occupations.

Manifestement recrutés sur critères purement anatomiques, ils défient tout principe de non discrimination à l'embauche, pour le plus grand plaisir de la clientèle féminine. Chaque année, la tenancière de ce zinc sur pilotis use manifestement d'un délit de faciès assumé pour accueillir de nouveaux bras forts et bronzés au sein de son équipe.

Dès lors, il convient de mettre de côté tout principe masculiniste que l'on pourrait opposer à ce genre de préoccupations.


Les plagistes ne sont rien de plus que ces serveuses affublées d'oreilles de lapin pour attirer le chalant.


Je me sentais, en les regardant, l'âme d'une esthète. Ou d'un beauf la langue scotchée à son pastaga et les mains à son FHM.



Cependant, il faut avouer qu'on ne leur demande rien de plus qu'incarner le précepte "sois beau et tais-toi".

Affalée sur mon matelas, je les regarde aller et venir, et, la perspective aidant, les imagine se promener sur mon bras à peine doré, telle cette sorcière bukoswkienne qui rétrécissait les hommes pour mieux se les approprier.

Je me plais à admirer cette virilité limitée à l'aune des matelas.


Ce grand blond qui saisit les transats comme on saisirait une planche de surf, si bien que je m'étonne presque de ne pas le voir enduire ces derniers de wax avant de les soulever à la façon d'un culturiste suédois et de les empiler les uns sur les autres.


Ce Robert Teriitehau made in Alès qui plante les pieds de parasols dans le sable comme un athlète grec planterait de colère son javelot dans l'arène.


J'oubliais alors mes attirances pour l'intellect, la discussion, et le charme, pour m'en tenir à une attraction bassement primaire et platonique envers cette émanation testostéronique badigeonnée de monoï, ces cheveux méchés voire décolorés, et ces tatouages tribaux à la signification nébuleuse.


Ces caricatures de surfers portant la dent de requin en pendentif sont probablement étudiants en attente de passer tel concours administratif catégorie B, mais ça, je ne veux pas le savoir. C'était d'ailleurs la raison pour laquelle la plupart du temps je ne leur adresse pas la parole, afin de les maintenir dans mes illusions fantasmagoriques d'apollons des bords mers à la coolitude permanente. Au contraire de ces clientes qui vivent manifestement très bien l'absence de leurs maris partis chasser pour ramener de quoi remplir leur sac de plage griffé ou ayant succombé à la canicule.


Des "Thomas, voudriez-vous m'apporter un café vous seriez adorable" par-ci, "Yannick, pourriez-vous redresser mon parasol. Vous êtes absolument charmant!" par-là, elles se battent telles des adolescentes en chaleur pour les faveurs de ces adonis mielleux, quand elles ne tentent pas de placer leur dernière petite fille auprès de leur nouveau gendre idéal, qui sert le rosé et installe les matelas comme personne.

Mille choses pourraient faire qu'à Palavas comme dans ma petite station, les bords de mer me désespèrent, comme dirait l'autre.


Cette agglutination de juilletistes auxquels se succèdent les aoûtiens dans un balai immuable, qui me font regretter le temps de l'Espiguette et de ses plages sauvages. Ces vacanciers qui ne peuvent s'empêcher de gâcher ma sieste avec leurs sonneries de smartphone, tout ça pour les entendre loghorrer pendant une demi-heure sur la réalité des prévisions d'Evelyne Dhéliat, le menu du barbecue du soir et l'arrivée prochaine de leurs enfants. Ces caravanes qui déversent leurs milices de jeunes en polos bleus, qui viennent vous offrir préservatifs et tongs aux couleurs de leur parti préféré - oui, ces fameuses tongs qui laissent la marque du logo d'un mouvement pop' sur le sable. La plage, c'est fait pour y laisser les empreintes d'un coeur transpercé d'une flèche, ou de son prénom, ou de n'importe quoi d'imaginatif. Non, grâce à eux, entre deux étals de fruits et légumes, on peut agrémenter notre marché d'échos de crise et de récession.

Heureusement, il y a le ressac de la mer. Les odeurs de paëlla au retour de plage. Et les plagistes.


Un petit plaisir parmi tant d'autres sur les plages méditerranéennes, au même titre que les voix lointaines entonnant "Chichis, chouchous, beignets, à la glace à la glace".

L'été, je me contente de plaisirs simples.

Le dernier jour, je m'étonnais de voir parmi les habitués un couple de comédiens relativement télévisuels.

Diantre, il ne manquerait plus que la petite station familiale soit désormais assaillie de people lassés des paparazzades.

Si Jean Roch rachète la paillote, je ne réponds plus de rien, laissez-moi s'il vous plaît mon havre de paix familial et ma vue privilégiée sur ces Beach Boys bands.


Une fois revenue sur le bitume, je racontai la scène à mon belge théâtreux préféré - dont vous entendrez certainement parler dans les prochaines années, si ce n'est dans les prochains mois, j'en fais le serment. Nous commençâmes à imaginer le tableau transposé en Mer du Nord. Une grande scène en perspective. Si vous le voyez au hasard d'une scène, contant les péripéties d'un plagiste à Ostende, pensez à ce taxi-boy balnéaire qui se lèvera demain matin à 7H, pour mettre en place ses matelas.


La vie n'est pas aussi facile que l'on croit pour les tablettes de chocolat qui font fondre les starlettes en culotte Tena.